Quelques mots sur mes dernières lectures :
D’abord, énorme coup de coeur pour A son image de Jérome Ferrari que j’ai dévoré en 2 jours, dans un plaisir de lecture que je n’avais pas rencontré depuis un petit moment.

J’aime quand je suis face à de la profondeur, de l’intelligence et de la beauté, non exempts de lucidité sur la noirceur du monde. Jérôme Ferrari nous offre là une magnifique relation d’amour pur entre un homme d’église et sa nièce. Les deux personnages sont racontés avec un véritable respect (un amour) de la part de l’auteur, et c’est cela qui a fait toute la différence, je crois, sans oublier le fil rouge d’une homélie longue, intense, bégayante de chagrin et de beauté. Et puis il y a les images. Une histoire de la photographie, un portrait du monde tout autant qu’un portrait de cette jeune femme, par ce qu’elle voit, par ce qu’elle est (et on échappe, enfin, à la question du paraître et/ou du sentimentalisme et/ou de la proie, dans un portrait de femme, et ce fut un bol d’oxygène inégalable : oui on peut être femme et vivre et voir et être aimée pour son âme même imparfaite, et oui logiquement il existe donc des hommes pour aimer ainsi une telle femme. J’eus à la fin le désir de baiser les pieds de l’auteur pour nous donner à voir cette évidence si peu montrée ces derniers temps, même si ce ne fut sans doute même pas son intention, ce qui est encore mieux). En résumé Jérome Ferrari a réussi le tour de force de raconter le beau et le laid tout ensemble, enchevêtrés, sans que l’un prenne le pas sur l’autre, mais le beau, tout de même, est vraiment beau, et tellement digne… Comme je n’ai aucune illusion sur le laid, ce beau me fit un bien fou. Tellement besoin de dignité…

Puis j’ai lu Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, que je ne pouvais pas ne pas lire.

Pourquoi ? Parce que je suis née en Lorraine, et que j’ai passé mes trois premières années au pied du haut-fourneau d’Uckange désormais classé au patrimoine de l’humanité. Parce que mon grand-père a passé sa vie dans cette usine, et mon père commença à y travailler avant l’appel du sud et du soleil. Aurais-je vécu une telle adolescence si je n’avais pas quitté la vallée à 3 ans ? Difficile à dire bien entendu. Mais je sais à peu près la surface de ce qui y est raconté. Le chômage, le travail au Luxembourg, la grisaille, l’âpreté et tout le reste. J’ai trouvé chaque analyse de la situation très juste et pointue mais… j’aurais aimé être surprise, qu’une lumière passe quelque part dans ce déterminisme bourdieusien et me cueille – peut-être que je cherche trop, toujours, la beauté, la résilience, la pureté, l’innocence, cette force capable de s’extraire du marasme et d’éviter de faire toujours les conneries qu’il ne faut surtout pas faire. 
J’ai lu cette chronique adolescente heureuse du style et de la narration parfaitement maitrisée, admirative de la façon dont sont racontés les élans les émois les désirs et cet appel de la chair, cette façon qu’ils ont de s’attraper comme à des bouées, mais j’ai été en équilibre précaire, incapable d’installer la distance nécessaire entre cette fiction et ce que je connais du réel. Dérangée, sans doute, triste certainement. Il est dit dans le roman que les personnages ont tous envie de quitter cet endroit pour ne pas y revenir. Même si je n’en ai rien connu, qu’avant mes 3 ans je ne me souviens pas de grand-chose, ce fut tout de même comme si j’y revenais, sans y rencontrer ma propre histoire. Et dans ce retour ce fut comme si une main me retenait en arrière pour me plaquer au sol. 
J’ai fini le roman asphyxiée. Mais c’est sans doute la preuve qu’il est bon. C’est l’oeuvre d’un très grand écrivain, sans aucun doute, qui méritait le Goncourt, certainement.

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