Et voilà, Avignon, c’est fini pour moi (mais vous pouvez encore en profiter, vous, jusqu’au 27 juillet). C’était une semaine extraordinaire, d’une liberté totale, avec le bonheur de se perdre dans les rues animées d’une saine effervescence. Et puis les spectacles, souvent dans de petites salles au creux de cours charmantes, au petit bonheur la chance.

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Premier amour

Les bonnes

Peau d’âne

Ubu roi

Public or not public

Au plus près du monde

Chair de poules

A Nat King Cole Project

L’occasion d’apprendre, au cas où on en doutait, qu’écrire la critique de quelque chose qu’on n’a pas aimé est la chose la plus difficile, si tant est qu’on éprouve un respect minimum pour tout artiste quel qu’il soit. J’aurais aimé ne pas parler du tout des spectacles non appréciés, mais paraît-il qu’un vrai journaliste se doit de le faire, or pendant une semaine c’est ce que j’ai joué à être : une vraie journaliste.

L’occasion de frôler avec un certain malaise ce sentiment de pouvoir que l’on éprouve avec cette légitimité que l’on acquiert alors : celle de « critiquer ». Malaise que cet empressement soudain lorsqu’on montre sa carte de presse, ces sourires qui s’élargissent, ces regards qui s’allument. C’est la vérité pourtant : les bonnes critiques peuvent sauver la vie d’un spectacle, et peut-être celle de comédiens. Et il faut réprimer le réflexe primaire et sadique de désigner la poussière de son pouce, afin d’écraser les sourires de ceux que l’on trouve sans talent.

(Notons qu’au vu de cette expérience, je comprends encore moins blogueurs et blogueuses qui, sans y être du tout obligés, eux, écrivent des critiques totalement négatives de livres. Même si j’ai eu la chance de ne pas en avoir beaucoup jusqu’à présent, c’est quand même une grande incompréhension quant aux intentions véritables de ces personnes.).

Je me suis quand même amusée à imaginer LA critique négative que j’aurais pu écrire si j’avais voulu faire ma maline. Si j’avais voulu, par exemple, me prendre pour Sainte-Beuve (que Victor Hugo appelait Sainte-Bave).

Il était tout de même capable d’écrire de belles vérités.

« La plupart des hommes célèbres meurent dans un véritable état de prostitution. »

Et la méchanceté, si elle se conjugue avec l’humour et l’acuité, est souvent beaucoup plus salvatrice que la gentillesse. Mais il faut pour l’exercer un grand talent (et, je crois, la légitimité du journaliste ou de l’écrivain professionnel, derrière lesquels se trouvent des filets tels qu’un éditeur ou un rédacteur en chef capables de détecter et réprimer des pulsions de tristesse ou de mort). Je ne me crois pas encore beaucoup de talent pour la méchanceté (c’est une qualité que l’on n’apprend pas aux petites filles), et croyez bien que je le regrette…

Mais voyez, je m’entraîne. Attention, c’est une critique-type pour s’amuser, qui ne se rattache à aucun spectacle. Voici :

« Afin de parler de cette pièce, on peut ressentir le besoin de convoquer une intelligence supérieure et reconnue. Juste une question d’oxygène. Allez, chiche, Baudelaire, qui a écrit, dans De l’essence du rire, ceci : « comme le rire est essentiellement humain, il est essentiellement contradictoire, c’est-à-dire qu’il est à la fois signe d’une grandeur infinie et d’une misère infinie, misère infinie relativement à l’Être absolu dont il possède la conception, grandeur infinie relativement aux animaux. C’est du choc perpétuel de ces deux infinis que se dégage le rire. Le comique, la puissance du rire est dans le rieur et nullement dans l’objet du rire. »

Nous n’avons pas connu lors de ce spectacle le choc de la misère et de la grandeur infinies dont parle Baudelaire.

Seulement de la misère. »

(Oh que c’est méchant !)

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