J’ai ENFIN, depuis quelques jours, une pièce bien à moi pour écrire (lire, rêver, téléphoner, réfléchir, travailler, se poser, s’isoler).

Elle est sous les toits, et la vue y est belle.

 

Pensées évidentes vers Virginia Woolf :

« Une femme qui veut écrire une œuvre de fiction doit avoir un revenu et une pièce à elle, ce qui, comme vous le verrez, ne résout pas plus la problématique de la nature profonde de la femme que celle de la nature profonde de la fiction. » (Une chambre à soi, titre nouvellement beaucoup mieux traduit par Une pièce bien à soi)

En surimpression de ces pensées féministes j’envoie toute ma reconnaissance vers l’homme que j’aime, qui s’est démené pour que cette pièce existe. N’oublions pas combien certains hommes courageux, de nos jours en tout cas, peuvent être plus féministes que bien des femmes elles-mêmes. Voilà pourquoi j’aime (mieux) mon époque (que celles passées), et pourquoi je tremble qu’elle puisse régresser. Et je connais malgré tout aujourd’hui peu de gens, hommes ou femmes, sur qui compter pour défendre les femmes qui tiennent à leur autonomie et à leur possibilité de création, si la régression se confirmait. Je ne fais jamais de politique sur les réseaux mais je dois dire juste cela : je ne crois hélas absolument pas au pouvoir révolutionnaire en cas de régression grave. Les femmes (et/ou les pauvres, et/ou les étrangers, et/ou les handicapés, et/ou les homosexuels et/ou tout ce qui n’est pas homme blanc hétérosexuel valide français aisé) sont trop peu souvent défendues. Cela se vérifie tous les jours de nos jours. Je ne crois hélas absolument pas à un sursaut si cela empirait. Je crains juste un enlisement sombre et gris… Tous ceux qui sont révoltés de ne pas avoir le choix risquent fort de ne même plus pouvoir l’exprimer, s’ils ne font pas ce sale boulot de voter contre leurs valeurs, mais pour le maintien de nos libertés fondamentales, et d’un Etat Providence. Si vous êtes homme, et/ou aisé, et/ou valide, et/ou hétérosexuel et/ou français et/ou pas musulman, merci pour votre empathie envers tous ceux qui n’ont pas ce statut dans notre société, et merci de penser à ce qui leur arriverait en cas d’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Pensez à ce qui vous empêcherait d’agir pour les aider. Pensez à ce qui vous en empêche déjà… Désolée de faire du prosélytisme, je déteste faire ça, mais je vois quelque chose de grave arriver. Et si on évite le pire, alors il sera temps de vous révolter pour améliorer ce qui vous gêne tant, puisque vous le pourrez encore.  

Mais écoutons encore Miss Woolf :

« La liberté intellectuelle est à l’origine des grandes œuvres. La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. La poésie dépend de la liberté intellectuelle. Et les femmes ont toujours été pauvres, depuis le commencement des temps. Les femmes ont eu moins de liberté intellectuelle que les fils des esclaves athéniens. Les femmes n’ont pas eu la moindre chance de pouvoir écrire des poèmes. Voilà pourquoi j’ai tant insisté sur l’argent et sur une chambre à soi.»

« Cette énorme littérature moderne de confessions et d’auto-analyses permet de déduire qu’écrire une œuvre géniale est presque toujours un exploit d’une prodigieuse difficulté. Tout semble s’opposer à ce que l’œuvre sorte entière et achevée du cerveau de l’écrivain. Les circonstances matérielles lui sont, en général, hostiles…. Le mode ne demande pas aux gens d’écrire des poèmes, des romans ou des histoires ; il n’a aucun besoin de ces choses. Peu lui importe que Flaubert trouve le mot juste ou que Carlyle vérifie scrupuleusement tel ou tel événement… Une malédiction, un cri de douleur s’élève de leurs livres d’analyse et de confession…. L’indifférence du monde que Keats et Flaubert et d’autres hommes de génie ont trouvée dure à supporter était, lorsqu’il s’agissait des femmes, non pas de l’indifférence, mais de l’hostilité. Le monde ne leur disait pas ce qu’il disait aux hommes : écrivez si vous le voulez, je m’en moque… Le monde leur disait avec un éclat de rire : écrire ? Pourquoi écririez-vous ? « 

« Nous approchons de ce complexe masculin, une fois encore si intéressant et obscur, qui eut une telle influence sur l’évolution des femmes, le désir profondément enraciné en l’homme, non pas tant qu’elle soit inférieure, mais plutôt que lui soit supérieur, désir qui l’incite à se placer de façon à attirer tous les regards, non seulement dans le domaine de l’art, et à transformer la politique en chasse gardée, même quand le risque qu’il court semble infime et la suppliante humble et dévouée. »

« Il est vain de se dire que les êtres humains devraient se contenter de tranquillité : ils ont besoin d’action ; et ils la créeront s’ils ne peuvent la trouver. Des millions d’êtres se révoltent en silence contre leur sort. Nul ne sait combien de rébellion fermentent dans la masse de vie que les gens enterrent. On suppose que les femmes sont très calmes ; mais les femmes sentent de la même façon que les hommes. Elles ont autant que leurs frères besoin d’exercice pour leurs facultés et d’un terrain pour leurs efforts ; elles souffrent d’une contrainte par trop inflexible, d’une inactivité par trop absolue comme en souffriraient les hommes ; et c’est étroitesse d’esprit chez leurs semblables plus privilégiés, de dire qu’elles devraient se borner à faire des puddings et à tricoter des chaussettes, à jouer du piano et à broder des sacs. »

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