Mon entrée en écriture s’est faite d’abord via de courtes histoires fantaisistes où des poneys parlaient et volaient, et où de minuscules individus échouaient dans le jardin d’une petite fille. J’avais une dizaine d’années quand le journal intime a échoué de la même manière dans ma vie, avec fracas puisque, osons le dire, cela a bouleversé ma vie.
La pratique diariste a apporté une dimension supplémentaire à ma pratique d’écriture enfantine, celle de laisser une trace de ma vie… et surtout de contrôler cette trace à ma guise. C’est comparable à cette manière qu’on a, aujourd’hui, de contrôler son image sur les réseaux, sauf que dans le journal je ne m’adressais qu’à moi-même, ou plutôt à la jeune fille puis femme que j’allais devenir. C’était un message que j’adressais à ce moi futur, inconsciemment je pense, le message étant : ne m’oublie pas. Et surtout souviens-toi de moi comme j’ai envie que tu t’en souviennes.
Je n’ai pas fini de réfléchir (et d’écrire) sur cette mémoire livrée d’enfant à adulte.
Puisqu’il s’agissait de mémoire, j’essayais même de rattraper le temps déjà perdu, ce temps très angoissant où je ne pouvais rien fixer par écrit puisque je n’en avais pas encore acquis la capacité. Cette période entre 0 et 8 ans, où aucune trace écrite assez signifiante de moi n’a pu être créée, ni livrée à la moi de 10 ans. Ce trou spatio-temporel où seules les photos parlaient de moi, or j’ai depuis toujours conçu une fascination pour les photos tout en me méfiant d’elles exagérément, cette fascination se nourrissant de cette méfiance et inversement. Les photos de moi, surtout, ne m’ont jamais paru me montrer moi. Jamais (j’ai à écrire sur tant de choses).


Cette photo de mon journal date d’octobre 1985. Je suis née en décembre 1973, j’avais donc 11 ans, presque 12. On voit que je n’ai pas raté la sortie de Retour vers le futur (ouf). Tout en le mêlant (consciemment ou pas ?) à un retour vers mon passé. Celui de mes 5 ans, en 1978. Ma première apparition dans le journal ! Ma mère avait gardé cette coupure, que je me suis empressée de coller dans mon journal par peur qu’elle la jette/perde.
« On affiche complet ». Qui fait la complétude ? Ou qu’est-ce qui la fait ? Avais-je empêché un autre enfant d’être inscrit en étant tout simplement sur la photo ? Ma place dans le monde était déjà questionnée.
L’aventure commençait.

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