Mais quand cesseras-tu de te retourner le cerveau à chaque conversation, Florence ? (oui, je me parle parfois à moi-même). Bon, je l’avoue, cela arrive surtout lorsque je crains ne pas avoir été en accord total avec mes convictions, à un moment ou à un autre. Il faut alors que je creuse, lise, réfléchisse, pour que tout soit enfin aussi clair que de l’eau de roche fraîche et vive. Heureusement, certaines personnes m’y aident par leurs publications (merci Cécile Cee et Laure Murat par exemple). J’ajoute que ce que j’explique là est MA position, celle avec laquelle je me sens parfaitement à l’aise et alignée. Comme j’y ai réfléchi – et que mon Brasier entre totalement dans le champ de cette réflexion – je me permets d’en parler ici, pour aider celles et ceux qui y réfléchiraient aussi. Mais je n’aurai (hélas ?) pas le temps de discuter en commentaires avec celles et ceux qui ne seraient pas d’accord. Pardon donc à l’avance de vous laisser sans réponse si vous n’êtes pas OK avec ça – j’ai un roman à écrire ! Merci pour votre compréhension, et à bientôt pour de nouvelles aventures contemporaines.
Oeuvres problématiques du passé VERSUS oeuvres problématiques du présent
Un soir de la semaine dernière, avec des collègues auteurices nous discutions du lien qu’entretiennent les oeuvres d’art avec le réel. J’essayais d’expliquer ma position : oui, le lien existe, le réel est influé par les oeuvres d’art, et inversement – c’est littéralement notre culture. J’ajoutais que néanmoins j’étais contre la censure des oeuvres qui ont mal influencé – notez le passé – notre réel (culture du viol, racisme, etc), parce qu’elles rendent compte des oppressions de notre histoire, et qu’il ne faut pas effacer l’histoire de ces oppressions (Laure Murat explique ça très bien).
La discussion s’oriente vers le cas Bastien Vives. Je venais de lire l’excellent post de Cécile Cee sur le sujet. J’ai avancé que j’espérais que soient retirées de la vente ses BD qui montrent des enfants incestés, avec force blagues éjaculatoires, ahah. Un collègue me dit alors avec l’oeil qui frise : ce n’est pas logique, je croyais que tu étais contre la censure ?
Damned ! Etais-je là face à l’une de mes contradictions ? NON. Car refuser que l’histoire de nos oppressions soit effacée, ce n’est PAS accepter que ces oppressions puissent perdurer.
Etre contre la censure des oeuvres validées par le passé, ce n’est PAS accepter que n’importe quelle oeuvre soit validée aujourd’hui. Sans compter qu’il n’est pas exclu que ces BD qui véhiculent des images incestuelles n’auraient pas non plus été invalidées par le passé. Cela aussi Cécile Cee l’explique : la censure des oeuvres du présent a toujours existé, même dans des temps très permissifs. Or la pédopornographie mainstream a rarement été validée dans notre histoire. Petit rappel utile : 1 enfant sur 5 est touché par l’inceste. Fournir aux agresseurs potentiels des oeuvres qui leur permettent de nourrir leurs fantasmes ne semble une bonne idée… qu’aux agresseurs ou complices potentiels. Car qui d’autre, sincèrement, prendrait plaisir à lire/voir ces situations glauquissimes ?
Alors ne faisons pas mine de tout mélanger.
➡️ Censure des oeuvres validées par le passé : non, car c’est notre histoire.
➡️ Validation d’oeuvres contemporaines qui oppriment/rabaissent/humilient celles et ceux dont la parole est si peu entendue : non aussi, car c’est notre présent.
