Uniquement des romans publiés en littérature jeunesse, cette fois (ça tombe bien, juste avant Montreuil).
Je commence par l’excellent roman Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte de Annet Huizing, parce que j’aurai la grande chance de débattre avec elle, entre autres, dans la résidence de l’ambassade des Pays-Bas (oui madame), le jeudi 1er décembre à 18h. Vous saurez tout en suivant ce lien. Venez !
Pour commencer, même si j’adore le travail du directeur artistique de chez Syros, j’avoue trouver la couverture originale beaucoup plus représentative du contenu :
Car les smileys laissent croire à un roman léger, bourré de typographies propres aux réseaux, et bien sûr avec un titre pareil on peut s’attendre à un roman écrit par un (grand) ado, sur un téléphone portable, par exemple.
Or, c’est beaucoup plus intéressant et profond que ça. D’abord l’héroïne est plus jeune que ce que j’avais cru avec cette couverture française : elle a 12 ans. Et la métaphore du roman que l’on cultive, qui pousse, mûrit, grandit et sort de terre est admirablement bien mené. Eh oui, écrire un roman c’est plonger les mains dans la terre, fouiller, se salir un peu, émerger plus clairement. Mais surtout, surtout, chaque chapitre donne lieu à un véritable conseil d’écriture, très mais alors très juste et pertinent. La petite fille finit en effet par écrire un vrai bon roman (sans aucun smiley, précisons-le), aidée par de vrais ateliers d’écriture informels donnés par sa voisine écrivaine. C’est passionnant, tout simplement, et j’apprécie vraiment l’écriture simple, très adaptée à une enfant de cet âge, mais qui laisse transparaître tant de profondeur dans le non-dit, qui m’a fait penser au style d’une Jacqueline Wilson (je pense surtout au fabuleux Kiss). Les auteurs français, je trouve, délaissent un peu cette tranche d’âge, préférant ces temps-ci s’adresser à de jeunes adultes dans un style et un contenu proches de ce qu’on offrirait en littérature générale. Notons que du coup les médias parlent en ce moment davantage de cette littérature-là (pour jeunes adultes), sans doute parce que ce sont des adultes qui écrivent les articles. Les éditeurs, aussi, mettent moins en avant ces romans aux héros plus jeunes, au profit d’une littérature plus « coup de poing », pour plus grands. Or la vraie difficulté, selon moi, c’est d’atteindre la simplicité profonde et sensible d’un roman comme celui-ci. C’est l’essence-même de la littérature dite pour la jeunesse. Ne la perdons pas sur notre route de volonté de reconnaissance et de réhabilitation.
Autre excellente lecture, pour le coup davantage orientée « jeunes adultes » : Golden Valley de Gaël Aymon (- très bonne – collection Scripto chez Gallimard)
J’ai beaucoup aimé cette belle évocation d’un jeune homme en pleine mue vers l’âge adulte, et toutes les désillusions qui l’accompagne, aussi via sa première véritable histoire d’amour. Gaël Aymon a réussi de très belles scènes, sur un fil, toujours en équilibre, où chaque sens est convoqué avec sensibilité mais aussi avec toute l’évidence du désir brut que peut ressentir un jeune garçon de cet âge. J’ai aussi appris beaucoup sur la Birmanie, dont on peut sentir la moiteur et l’étrangeté. Au final l’intrigue sur fond de conflits d’intérêt apparaît comme un prétexte pour mettre en valeur la prise de conscience et de responsabilité du héros. Bref, un très beau roman initiatique. Et je vous assure que je ne dis pas ça parce que Gaël est un copain !
Et puis, autre très bonne lecture (bonne pioche décidément) : De cape et de mots, de Flore Vesco.
Grand plaisir que de se laisser embarquer dans cette folle histoire ébouriffante ! J’ai beaucoup pensé à La Passe-Miroir de Christelle Dabos, pour le caractère fort de l’héroïne en apparence effacée au début, l’ambiance de cour toute en complots, le style enthousiasmant. Flore Vesco nous offre en prime de beaux néologismes, et un travestissement en bouffon carrément jouissif. Il serait dommage de se priver des aventures de Serine : foncez !
Ne me dites pas que vous ne savez pas quoi lire, après ça 🙂