Ce lundi, à peine rentrée de Saint-Etienne, j’ai participé à une formation de secourisme-premiers secours avec la Croix rouge. Bizarrement, durant toutes mes années de professorat des écoles, il n’était pas exigé. Etonnamment, il ne l’est pas non plus dès que l’on prévoit de fonder une famille, ou tout simplement dès qu’on a fait le choix de ne point vivre en ermite. Stupéfiamment, l’offre de formation continue pour les artistes-auteurices ne prévoit pas celle-ci. Et pourtant cela fait un bon moment que je me dis : tiens, j’aimerais bien pouvoir sauver la vie des gens.
Passons sur cette aberration dans les priorités politiques de nos édiles. Ce que j’ai envie de dire va dans une autre direction.
La formation était très bien fichue, avec des formateurs très sympathiques, ouverts, à l’écoute. Ils doivent suivre un déroulé bien précis, qui prévoit en dernière partie des jeux de rôle, pour vérifier qu’on a tout bien assimilé. Des situations théâtrales, donc, où des citoyens lambda sont censés savoir jouer la comédie, improviser, imaginer ce qui est et n’est pas, en faisant abstraction d’un public fait d’inconnus totaux. Or savoir secourir, c’est tout le contraire de savoir jouer.
Les situations de ce type, aux injonctions contradictoires et coercitives (il ne fallait pas nécessairement être performant, mais « jouer le jeu » était la condition sine qua non pour obtenir son brevet) me plongent dans un état de profond malaise. Voir les autres participants dans cette situation m’a été un peu douloureux.
Le soir, j’en ai été assez perturbée. Un peu fâchée contre moi-même de ne pas avoir refusé de « jouer le jeu », quitte à ne pas obtenir ce fameux brevet, dont je me fiche au fond, je voulais juste me former. On ne devrait pas finir une formation, surtout celle-ci, dans un tel malaise. On ne devrait pas penser une formation qui amène certaines personnes à se sentir dans ce malaise – cessons, dans toute situation pédagogique, quel que soit l’âge, de partir du présupposé que chacun sait « jouer ».

Le soir-même, donc, j’ai cherché à me divertir de ce malaise. Je me suis dit : tiens, et si je regardais des situations de véritable théâtre ? Voilà comment je me suis trouvée devant la série Ceux qui rougissent, sur Arte. J’en ai avalé les 8 courts épisodes d’un seul coup, en pleurant à chaudes larmes lors de chacun d’entre eux. Je ne pouvais pas trouver mieux pour oublier le « faux » coercitif dans laquelle on m’avait plongée dans l’après-midi. Ceux qui rougissent montre le « faux volontaire qui mène vers le vrai ».


Car la situation de départ de tous ces jeunes repose sur leur volontariat. Ils sont là parce qu’ils ont choisi de l’être. Et si le professeur les bouscule, parfois un peu violemment, ils ne sont pas obligés de rester. Au final on se trouve devant des moments de vérité époustouflants.
Le casting y est pour l’essentiel. Chacun de ces jeunes sont sur le fil, hésitants, émouvants d’indétermination. Des visages de l’adolescence, celle que j’aime, celle qui m’émeut, celle que je connais, celle dont j’ai envie de parler dans mes romans, celle à qui j’ai envie de m’adresser.

Le timing de ce début de semaine était certes éprouvant, surtout après un week-end de salon du livre, mais parfait. Après cette journée de formation aux premiers secours, après cette soirée à binge-watcher cette série formidable, j’étais le matin suivant, hier donc, à la Cité du livre d’Aix-en-Provence pour la demi-journée de présentation de nouveautés d’auteurices de la région. Sur scène, à nouveau devant un public, mais de libraires et organisateurices de rencontres cette fois-ci, et aux côtés de collègues, sous la houlette bienveillante de Claire Castan de l’ Arl Provence Alpes Côte d’Azur et de Cécile Manzo (librairie de l’oeil, à Marseille).
A mes côtés, un illustrateur me souffle quelques mots qui signifient qu’il se sent mal à l’aise à l’idée de parler dans un micro devant un public. Je me suis surprise à lui répondre que moi, j’avais appris à aimer ça. Car ce qui me dérange ce n’est pas être sur scène, ce n’est pas parler en public, c’est le faire dans un cadre flou où on me demande d’être quelqu’un d’autre. Et oui, j’aime ce type de situation vraie, où tout est clair : je suis moi-même, je parle de mon travail, je parle de mon roman (cette fois c’était pour Le filtre, Éditions Nathan Romans, qui parle justement de faux semblants, tiens tiens), j’écoute les autres faire de même, et ce fut alors le même bonheur que visionner Ceux qui rougissent. Ce furent les mêmes moments de vérité. Les mêmes personnes sur le fil, juste quelques dizaines d’années plus vieilles voire moins pour quelques néo-autrices, voilà ce que nous sommes, voilà comment nous le transformons, voilà comment nous vous montrons notre plus pure vérité, non via un jeu théâtral nous concernant, mais via des images et des mots, mais sinon c’est tout pareil.

Merci @danstapage


Il me fallait ce moment à la Cité du Livre pour me réparer complètement du malaise de la veille. Pour me réaligner avec moi-même. Pour donner du sens à qui je suis, et qui j’ai choisi d’être.
Merci. A qui à quoi, à absolument la totalité des personnes présentes hier matin, et aux jeunes de cette série sur Arte, que je vous recommande chaudement.

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