J’ai profité de ma venue à Paris pour aller voir l’exposition Dora Maar à Beaubourg. Ma première rencontre avec Dora Maar, ce fut bien sûr à travers le regard de Picasso. Je m’en souviens très bien, j’étais en cours d’arts plastiques à l’IUFM (la formation des professeurs des écoles, en cette époque lointaine ;-)), j’étais une totale béotienne en histoire de l’art, et le prof passait des diapos de peintures. Choc en voyant le Dora Maar assise de Picasso.
Le prof nous expliquait une théorie que je jugeai fumeuse sur le motif du pull, ce bouquet de fleurs aux tiges pointées vers son sexe : Picasso aurait voulu faire une subtile allusion à un avortement récent (sans le savoir encore je commençais à développer une sévère aversion pour toutes les théories artistiques ou littéraires – je crois que c’est ce qui m’empêcha à tout jamais de devenir prof de français : « l’auteur a bien entendu voulu dire ceci ou cela » quand je comprenais tout le contraire). Moi j’y voyais une femme à la beauté déconstruite mais évidente. Et le bouquet pour moi ne convergeait pas vers le sexe mais en partait pour se déployer et éclater de sérénité et de dignité vers le visage. Et je me suis immédiatement demandé quelle était la VRAIE vie de cette femme intrigante. J’ai recherché, ai découvert qu’elle était une véritable artiste, étrangement méconnue (on ne s’étonnera pas que ce soit aussi à ce moment-là que sans le savoir j’étais en train de devenir féministe). C’est donc une vraie belle joie que de voir cette rétrospective sur l’oeuvre de Dora Maar au centre Pompidou (une joie assez similaire à celle de voir en grand partout les affiches des joueuses de la coupe du monde de foot, mais plus grande encore parce que du foot je me contrefous toujours, en fait). Une joie et une forme de tristesse aussi en parcourant l’exposition parce que je n’ai pas pu m’empêcher par moments de sentir un talent bridé (écrasé), qui s’est empêché de développer son propre style. C’était un peu une souffrance de voir le portrait qu’elle fit de Picasso… avec le style de Picasso, sans l’égaler. Fallait-il vraiment l’exposer ? En revanche, ses photographies sont formidables et, si elle excella dans l’art surréaliste du montage et du collage, ses photos de rue m’ont plu bien davantage.
Une exposition à voir, même si elle ne réussit pas à se dégager de la fascination pour tous les grands hommes que Dora Maar a côtoyés (Picasso mais aussi Eluard, Man Ray…)…