N’est-ce pas que vous brûlez de curiosité : comment ai-je vécu mon retour aux sources ??
Le plus troublant fut ce mélange de passé, présent, futur. J’étais pleinement, comme pour tous les salons du livre où je me rends, dans mon présent d’auteure jeunesse, tournée vers son devenir, et ce grâce au petit groupe d’auteurs que nous formions. J’ai eu le plaisir de faire la connaissance de Gilles Francescano, Stéphane Daniel, Bénédicte Guettier, Cyril Hahn, Philippe Lechermeier, et de retrouver Eric Sanvoisin et Marc Séassau (le honteux name-dropping que voilà !). Très agréables moments en leur compagnie. Et comme toujours, les membres de l’organisation étaient charmants.
Mais bien entendu, lorsqu’on rencontre des classes et qu’ensuite l’on signe dans le collège où nous usâmes nos kilts (oui j’avoue, en 6ième je portais kilt et chaussettes blanches, je vous assure que ce n’était pas de mon plein gré), eh bien forcément le tout prend une dimension supplémentaire. J’appris à l’occasion que ce collège était expérimental, ce qui explique la liberté extraordinaire que nous avions de pouvoir nous balader dans la pinède ou vers le port durant les heures de permanence. (je pensais que c’était là ce qu’il y avait de plus normal). Le plus étrange fut cette impression de temps suspendu : l’enceinte du collège n’a pas changé, la pinède est encore là, intacte, sol sec inondé d’aiguilles. La piscine où je passai le plus clair de mes étés aussi. Là, présente physiquement, mais sans eau. Ciment en décomposition. Herbes folles. Abandon.
Je pensai irrésisitiblement au chateau dans le ciel de Miyazaki, d’autant plus sans doute que dans la toute première histoire écrite vers dix ans, que je montrai aux enfants que je rencontrai, j’avais inventé un autre chateau dans le ciel, le mien.
Je n’ai pas pénétré dans l’école Jean Moulin (qui était aussi ouverte sur une pinède), mais d’autres auteurs y avaient des rencontres, j’y suis donc passée devant. Pas eu le temps de me promener dans le parc juste derrière, où je grimpai à bien des arbres, où j’enterrai des oiseaux morts pieusement, où tout mon imaginaire de petite fille se déploya pleinement.
Aucune rencontre d’anciens copains ou copines. J’étais sans doute une enfant solitaire, l’amitié alors était surtout rêvée.
Je suis revenue d’Istres avec une heureuse impression de sérénité. Le bonheur d’avoir été ce que je fus, d’avoir vécu là, vécu cela, avec cette chance-là. Pas de souvenirs précis, mais des sensations d’enfance, d’odeurs de pins, de genêt, de silence calme la nuit sur l’étang. Bonheur, donc.
(Un grand merci à tous les enfants istréens que j’ai rencontrés – images projetées dans un autre temps de l’écolière que je fus. J’ai, entre autres cadeaux, un magnifique livre d’or que j’ai lu avec émotion. « On voit que vos livres on été faits avec du coeur », m’écrit par exemple Hamélia. Les compliments de ce type pleuvent à chaque page. Comment voulez-vous que je n’ai pas le désir d’écrire encore et encore ?).