Le roman Nos éclats de miroir à paraître bientôt chez Nathan est un prolongement littéraire (au sens de transformation volontaire de la réalité, avec le souci d’y trouver du sens) de mes journaux intimes d’enfant et d’adolescente. Pour l’occasion, quelques extraits, réels ceux-ci, de mes vrais journaux, qui illustrent cette réflexion de mon héroïne Cléo, page 14 : « Je crois que l’enfance est liée à la terre. J’étais toujours à y farfouiller, à tenter d’une certaine façon de m’y enfouir. »

Age : 10 ans et 3 mois

6 mars 1984

Ce matin, j’ai pris mon vélo et et j’ai été à l’endroit où j’avais trouvé un pauvre oiseau mort. Heureusement, il y était encore. Je l’ai mis dans un sac plastique et j’ai mis longtemps à trouver un endroit convenable. J’ai finalement enterré l’oiseau dans un petit bois, hélas qui est bien sale. J’ai creusé un petit trou à l’aide d’un bâton. C’était facile car la terre était humide. J’y ai déposé l’oiseau. Je l’ai recouvert de terre. J’ai trouvé une planche qui s’est transformée en pierre tombale, j’ai mis des pierres pour que la planche tienne. Ensuite, j’ai mis deux branches en forme de croix sur la tombe. Pendant que je faisais ce travail, un chat noir est venu me rendre visite. Au début, je le trouvais ennuyant car il déplaçait les branches. Mais peu à peu, je lui ai trouvé l’air sympathique et je l’ai appelé Lucifer. Ce n’était pas le mot à prononcer devant une tombe, je suis donc partie. Il m’a suivie. J’étais heureuse, car beaucoup de chiens m’ont déjà suivie, mais jamais un chat ! Et puis, il était tout à côté de mes pieds ! Puis, c’est moi qui l’ai encouragé à me suivre, je l’appelais et il venait. J’ai pensé qu’il avait faim, j’ai voulu le ramener à la maison. Mais j’ai deviné que ça ne plairait pas à maman. Alors je lui ai donné rendez-vous à un endroit précis demain matin car je commencerai à 10h00. Je lui apporterai du lait. Il a eu l’air de comprendre car il est parti. Quand je lui aurai donné son lait, je sens que je serai contente car ça fait du bien de faire une bonne action. J’espère seulement qu’il sera au rendez-vous.

14 mars 1984
Je n’ai plus revu Lucifer, il ne manque pas une goutte dans le bol de lait, je l’ai repris, et maintenant je ne m’occupe plus de Lucifer. J’ai embelli la tombe de l’oiseau. Avec une craie, j’ai écrit sur la pierre tombale : Cui-Cui, décédé le 5 mars. J’ai mis le peu de fleurs que l’on peut trouver en hiver à côté de la tombe.

23 mars
Il y a des jours où je n’ai vraiment pas envie d’écrire, tu l’as remarqué ces derniers jours, cher journal. Aujourd’hui, c’est le premier jour des vacances de Pâques et j’ai eu envie de t’emmener au parc. Et nous voici. C’est agréable d’écrire en même temps que le gazouillement des oiseaux, avec cette petite brise fraîche qui fait chanter les feuilles des arbres. Je suis tranquille. Seules quelques personnes passent toutes les vingt minutes pour profiter du soleil d’un samedi matin.

Le frère de C. et un de ses copains sont venus m’embêter, j’ai dû m’enfuir. Et je me suis réfugiée en haut d’un arbre ! Finalement, on est bien dans cet arbre. Il est très haut et j’ai déjà réussi une fois à grimper jusqu’au sommet. A son pied, j’ai cueilli une des premières pâquerettes que je collerai à la maison sur l’une de tes pages.


J’ai appris une poésie qui parlait de fleurs :
« Aux marguerites tu as donné un nom de femmes. Ou bien aux femmes tu as donné un nom de fleurs. C’est pareil. L’essentiel c’était que ce soit joli, que ça fasse plaisir. » Ca me plaît beaucoup.

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