Il y a pile 20 ans, en novembre 2003, je publiais mon tout premier roman. Ca mérite une petite rétrospective.
Chaque année de ces 20 ans furent pleines et exaltantes.
2003 : première publication
En novembre 2003 paraissait Le panier aux mystères, suivi de Clopes en stock en 2005, dans une toute petite maison d’édition marseillaise de littérature jeunesse, Rouge Safran. Déjà, dès ces premiers romans, la première de mes intentions est de parler à et de gamins peu favorisés socialement. Le Panier aux mystères, par exemple, dénonce les marchands de sommeil (dont pâtissaient pas mal de mes élèves d’alors).



J’allais sur mes 30 ans, et je voyais ces premières publications comme une jolie victoire, mais j’étais alors accaparée par LA VIE. Professeuse des écoles à plein temps et maman d’une petite fille puis d’un petit garçon adorables mais pas vraiment de tout repos, et avec le désir de voyager (un an en Guadeloupe en 2004-2005) j’avais un peu d’autres chats à fouetter que de me plonger dans la jungle de l’édition.
2006 : première grande maison d’édition
Ce n’est donc que 3 ans plus tard, en 2006, grâce à Jack Chaboud qui a aimé un texte que j’ai tout simplement envoyé à « comité de lecture », et qui m’a encouragée jusqu’à ce que je lui en envoie un qui soit abouti, que je publie pour la première fois dans une grande maison d’édition : Magnard ! C’est La guerre des vanilles qui sera réédité sous le titre Vanilles et Chocolats. Sentiment assez délicieux de débuter en fanfare puisque grâce à ce roman, je pars 15 jours, en 2008, en Nouvelle-Calédonie, dans le cadre du prix Livre Mon Ami ! Merveilleuse expérience…


La guerre des vanilles est le premier de mes romans où j’explore ce que c’est d’être une fille, ce que c’est d’être un garçon, car je commençais alors à peine à m’interroger sur mon propre sexisme inconscient dans ma pratique d’enseignante.
2007 : 1 long-seller pour enfans + 1er roman pour ados
En 2007, je publie ce qui deviendra un long-seller, dont j’adore toujours le texte mais dont le titre me laisse, hélas, toujours perplexe, car il ne correspond pas du tout à l’histoire (je n’avais pas encore assez d’aplomb pour m’imposer) : Confidences entre filles, chez Rageot. Il arrive que des jeunes femmes viennent me voir en salon du livre pour me dire qu’enfant elles l’ont lu 15 fois, 20 fois, et que ce roman les rassurait ! Un roman-doudou, donc. J’ai beaucoup d’affection pour ce récit, pour cette raison-là. D’autre part il est pour moi un roman d’affirmation de soi, quand on a des talents artistiques… même si on doit garder son petit frère sur son temps libre.
C’est aussi en 2007 que paraît mon premier roman pour ados, La Fille qui dort, aux éditions 400 coups. Là aussi beaucoup d’affection pour ce roman, qui parle de narcolepsie, dont était atteint l’un de mes premiers amoureux, et qui m’a valu de belles réactions émouvantes.


2009 : Gallimard Jeunesse !
En 2008, je publie Ma mère est maire, un premier texte court chez Talents Hauts, qui sera une maison importante pour moi, mais c’est en 2009 que je saute au plafond : avec Les copains, le soleil et Nabila, j’entre dans la célèbre collection Folio Junior, chez Gallimard Jeunesse. Ma fierté est sans bornes.

Ce roman évoque la vie d’un petit garçon Comorien dans le quartier du Panier que j’ai tant aimé pour son aspect multiculturel. Je l’aime tellement, ce récit…
2010-2011 : Ligne 15, un projet ambitieux et fou
Je me lance pour Talents Hauts (soutenue par Mélanie Decourt, éditrice chère à mon coeur, que je retrouverai plus tard chez Nathan) dans un projet complètement dingue : faire paraître 2 romans pour ados en même temps, tous les 2 mois, en 4 fournées, le tout racontant une histoire sur une année entière de 3e, sous forme de saga. Evidemment, le rythme d’écriture était insensé, mais je ne regrette absolument pas. Ca a donné la série Ligne 15, par la suite réédité en 2014 dans un recueil unique, sous le titre Quatre filles et quatre garçons, paru en poche chez PKJ en 2019. Cela m’a pris 2 ans, et c’est pour mener à bien ce projet fou que j’ai osé me placer en disponibilité de l’Education Nationale (je n’y retournerai plus jamais !). Ces 8 romans ont signé mes débuts d’écrivaine à plein temps… Et d’une magnifique relation avec mes lectrices et lecteurs. J’ai reçu tant et tant de messages émouvants, disant que ce récit avait changé voire sauvé leur vie…


Ces récits sont en effet traversés par des valeurs fortes d’acceptation de soi et des autres. C’était ce que je voulais faire. Mes différents personnages sont amenés à s’affirmer en tant que fille, homosexuel, garçon au père dominateur, venant de milieu défavorisé, étant perçu comme « racisé »… Il m’a toujours paru important d’évoquer des profils très différents dans ma galerie de personnages, tout simplement parce que c’est ça, la réalité (je serai assez étonnée quand, dix ans plus tard, le terme « inclusion » sera utilisé comme étant quelque chose de très novateur !).
2011 : Re-Gallimard Jeunesse !
En 2011, nouveau saut de joie : mon texte L’été où je suis né publié chez Je Bouquine est repéré par Gallimard Jeunesse ! Grande fierté… Une version un peu allongée en sera publiée dans la belle collection Scripto. Mon héros est un garçon sensible et qui souffre d’amour et surtout d’abandon. Il s’inscrit dans ma galerie de personnages masculins que j’aime tant faire évoluer, interrogeant ce que c’est, d’être un garçon. La publication chez Gallimard de ce titre est une très belle aventure : Christine Baker (la directrice éditoriale) avait lu la version de mon texte chez Je Bouquine, l’avait aimé, et en avait parlé à l’éditrice de Scripto, qui m’a ensuite appelée pour m’en demander une version un peu étoffée. Quelle joie d’être sollicitée par une si belle maison, quand on est débutante.
La même année, je commence la publication de ma série humoristique du Chat Pitre, chez Nathan, beau succès de librairie, qui sera rééditée sous forme de recueil en 2022. Mon but avec cette série : amuser les enfants, tout en les amenant à se mettre dans la peau de leur animal de compagnie préféré. Empathie, empathie, sel de la vie.



2012 : premier récit d’anticipation
Petit pas de côté, vers le futur, dans mon écriture pour adolescents. Je publie Théa pour l’éternité, chez Syros. Un premier d’une série de romans sur le thème du transhumanisme, qui ne cesse de me travailler, pour toutes ses dérives hélas possibles dans nos sociétés pas toujours justes.

2013 : Poursuite du questionnement transhumaniste
Poursuite du Chat Pitre. Parution d’un mini-Soon chez Syros (Mémoire en mi), qui parle toujours de transhumanisme, version jeunesse éternelle, dans la lignée de Théa pour l’éternité, voire immortalité. Avec cette question : combien de souvenirs peut garder un cerveau humain de plus d’un siècle ? Comment sauvegarder les tout premiers ? Soulever des questions philosophiques en regard des avancées technologiques et médicales me passionne.

2014 : intentions d’autrice, ne rien lâcher
Parution de Hors de moi chez Talents Hauts, en 2014, qui sera réédité en 2023. Ce roman est un prequel de L’été où je suis né, sur le thème du déni de grossesse. Beaucoup d’émotions en me mettant à la place de cette très jeune fille.
Et dans la collection Pépix chez Sarbacane, je publie Super-Louis et l’île aux quarante crânes car j’ai toujours adoré Scoubidou – c’est dans le même esprit !
Je débute aussi la série Mona, chez Rageot, qui relate la chronique alternativement joyeuse et douce-amère d’une petite puis jeune fille sur les 4 années de collège. Mes intentions d’autrice (raconter comment une petite fille devient adolescente dans un monde complexe) ayant été réduites à portion congrue par le marketing, juste parce que le « girly » cartonnait alors, et ce malgré l’expression de mes grandes réticences, j’ai été contrainte de m’éloigner par la suite de cette certes très bonne maison d’édition, mais qui voulait m’enfermer dans ce que je ne souhaitais pas – être une femme qui écrit, dès lors que l’on souhaite avoir une fille comme héroïne principale, et essentiellement lorsqu’on s’adresse aux enfants, est une vraie lutte lorsqu’on souhaite que ses ouvrages ne soient pas frappés de la malédiction hyper sexiste de « l’écriture pour filles ». Le marketing en littérature pour ados a réussi à dépasser cette facilité, mais il reste à se battre contre cette assignation dans la littérature enfantine (on remarquera que lorsque l’auteur est un homme, même s’il fait évoluer une enfant héroïne, il bénéficiera de couvertures bien plus sobres et jolies, sans avoir à se battre pour ça).



2015 : 2 succès !
Le 1er, #Bleue, mon 3e opus pour adolescents sur le transhumanisme, côté suppression de la douleur émotionnelle, chez Syros, récoltera 16 prix littéraires et élargira mon public aux adultes (beaucoup de parents l’ont piqué à leur ado !).
Et le 2e succès, qu’on ne présente plus, pour moi 2e projet complètement fou-dingue après Ligne 15 : U4, bien sûr, avec mes comparses Vincent Villeminot, Yves Grevet et Carole Trébor. Alors ça, ce fut une aventure folle, avec affiches en 4×3 dans le métro, et qui me valut un passage à La Grande Librairie (joie énormissime, expérience incroyable). Grand merci à François Busnel.






Yannis est un nouveau représentant de la masculinité non-toxique de ma galerie de personnages mais aussi le premier héros, véritable héros, d’un récit d’aventures post-apocalyptique français, qui soit d’origine maghrébine. Mais au fond, ce héros, quel qu’il soit, c’est moi.
2016 : Le tourbillon
Je vis dans le tourbillon du succès de U4 et de #Bleue. Et je publie Traces, un mini-Soon chez Syros qui est encore plus d’actualité aujourd’hui puisqu’il parle d’intelligence artificielle. Puis un deuxième Pépix chez Sarbacane, Super-Vanessa et la crique aux fantômes, et enfin U4.Contagion, un recueil de nouvelles U4iennes, toujours avec mes comparses d’écriture. Ce dernier opus comporte des nouvelles que j’ai tellement aimé écrire… Le plaisir d’écrire prend une dimension supplémentaire, alors que s’affirme en moi la ligne directrice qui me motive. Que ce soit au travers de mes romans humoristiques, tels que ces Pépix, ou de mes récits-sagas de vie quotidienne (Quatre filles et quatre garçons, Le grand saut, Mona), ou de mes récits dits de genre (SF, thriller, post-ap), il y a la volonté d’explorer les questions d’inégalités sociétales dans une société où il est difficile d’être soi. De tendre un miroir juste à chacune et chacun.
En effet, les genres littéraires de mes romans sont diversifiés, mais mes personnages principaux sont presque toujours animés par un puissant désir de justice ou d’élévation. Ils cherchent leur place et du sens dans une société moderne complexe… et vont généralement trouver l’une et l’autre. J’espère ainsi offrir aux jeunes lecteurs et lectrices une vision du monde à la fois lucide et lumineuse.



2017-2018 : Le Grand Saut
J’enchaîne sur l’écriture d’une trilogie, dans la veine de Quatre filles et quatre garçons, mais avec des héros plus âgés (j’aime tellement les récits choraux). Je ne sais pas où j’ai trouvé l’énergie, juste après l’aventure U4, de me lancer dans un tel projet aussi ambitieux. Mais j’ai très bien fait, car la trilogie Le Grand Saut chez Nathan continue de me valoir de très beaux retours d’ados… et de plus âgés ! Comme dans Quatre filles et quatre garçons, j’ai voulu parler de l’inégalité des chances suivant qui on est et d’où l’on vient, quand on a 17-18 ans et qu’on doit faire le grand saut dans les études supérieures. Un moment qui, pour moi-même, fut très intense, très difficile et exaltant à la fois. Je crois ne pas avoir fini d’en parler.

2019 : l’année des miroirs
Cette année-là je publie chez Nathan Nos éclats de miroir, roman ado intimiste dont l’écriture organique a commencé dix années auparavant. À l’origine il était ponctué d’oeuvres d’art. Je n’en ai gardé que les références, visibles ou pas. Ce roman diariste, inspiré de ma propre pratique dans mon journal intime quand j’avais 11 ans (je m’y adressais à Anne Frank), parle de volonté d’effacement, lorsqu’on se sent différente et mal comprise. Je publie également ce qui clôt mon triptyque sur le transhumanisme, chez Syros, cette fois côté handicap/êtres augmentés, Ce qui fait battre nos coeurs (avec une couverture dont nous avons beaucoup discuté avec les éditrices : doit-elle attirer plutôt les ados ou bien les adultes ? Nous avons opté pour la 1ere solution – je me demande encore aujourd’hui si c’était la bonne !). Je parle souvent du handicap dans mes ouvrages, comme dans Le Grand Saut, par exemple… tout simplement parce que lui aussi fait partie de nos vies.
La même année, suite à une belle rencontre avec Véronique Haitse, je propose puis publie Renversante, à l’Ecole des Loisirs (grande joie, par ailleurs, d’intégrer pour la première fois cette maison d’édition que j’admire). Et si on se regardait dans un miroir qui renverse/inverse ? Surprise, ce pamphlet antisexiste est un joli succès. Les profs, surtout, s’emparent de l’ouvrage, et Léna Bréban en fait une géniale adaptation théâtrale, qui tourne depuis 2020 ans dans toute la France !




2020 : 3e projet un peu fou
Je me lance dans un nouveau projet ambitieux, grâce à Céline Charvet de Casterman, que j’ai connue chez Nathan aux débuts U4iens, et avec comme éditrice Clémence Bard, avec qui j’avais déjà travaillé chez Syros, mais aussi avec U4 : j’ai carte blanche pour imaginer un récit à partir de photos que j’ai pu compulser parmi la formidable et immense collection de Jean-Marie Donat. J’en choisis qui sont drôles, loufoques ou émouvantes, pour être le support d’une trilogie fantastique pour les 9-13 ans, qui couvre un siècle entier d’histoire. Voilà comment démarrent les aventures de Eva Papillon. Je me suis amusée à explorer le XXe siècle au travers de faits historiques qui l’ont ponctué. Une manière de scanner ce siècle, et d’en tirer une… photographie globale.
La même année, j’inaugure avec quelques collègues la belle collection Court Toujours, chez Nathan, avec Comme un homme (qui parle de masculinité toxique et d’inceste, ce berceau des dominations, un sujet dont je n’ai pas fini de parler…)


2021-2022 : exploration de nouveaux genres
Je publie en 2022 la suite de Renversante, pour les ados, et je m’essaie en parallèle à de nouveaux genres jamais explorés : le thriller et le roman d’aventures spatiales, ce qui donne L’énigme Edna et L’aube est bleue sur Mars (une écriture-revanche pour moi qui avais le rêve de devenir ingénieure en aérospatiale, et qui me suis heurtée au plafond de verre – j’en ferai le récit, un jour). Désir de défis, désir d’en apprendre toujours davantage sur le plan narratif. Avec, toujours, des personnages qui se battent contre les assignations. Ah, et puis la série U4 paraît en BD, chez Dupuis !




2023 : je change d’adresse (à de nouveaux publics)
Pour ma 20e année de publications de romans pour enfants, adolescents et jeunes adultes, je m’adresse à de nouveaux publics : les plus petits, et les plus grands. Voici donc 2 grands bonheurs : mon tout premier album pour petits, magnifiquement illustré par Lisa Zordan, Petite et Grande, chez Casterman, récit initiatique né du souvenir de cette question que j’avais, enfant : m’appellerai-je toujours Florence lorsque je serai grande ? Et mon tout premier roman de littérature générale, Toutes des filles en jaune, publié chez Fayard, grâce à une géniale éditrice qui a su repérer un simple envoi de manuscrit par mail : Alexandrine Duhin. Ce roman parle de harcèlement de rue et en ligne, mais aussi d’origine sociale. Une continuité, sous forme de nouvelles prises de risque. Je trouve intéressant de constater que Toutes des filles en jaune est mon 50e ouvrage publié. Mes désirs pour la suite ? Encore et toujours, me laisser porter par ce qui me travaille, ou par ce qui parle à l’enfant en moi, ou par ce qui me prend aux tripes !… En essayant de toujours faire mieux.


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EDIT de plus tard :
Et si je mettais à jour ce qui s’est passé depuis ce jour de novembre 2023 où je me suis attelée au bilan de mes 20 ans de publications ?
Allez hop, c’est parti.
2024 : Miroirs toujours
Parution de Le filtre dans la collection Court Toujours de chez Nathan. Je m’y suis inspirée du Horla de Maupassant. Etre la plus belle on line peut s’avérer dangereux IRL, quand on ne vit qu’au travers de son reflet : Ô miroir, mon beau miroir…
Et paraissent les 2 premiers tomes de ma série pour enfants Chun le panda baby-sitter, où je retrouve la fantaisie et la tendresse du Chat Pitre… tout en réfléchissant encore une fois à ce que cela signifie de se sentir différent. En effet, comment s’insérer dans la ville quand on est un panda géant qui parle ?…


2025 : Une flamme qui porte
Bonheur de publier un véritable roman à L’Ecole des loisirs, après mes deux pamphlets renversants. Dans Le brasier, dans la collection Medium, j’ai voulu revisiter ce conte que j’adorais et que j’écoutais en boucle sur mon mange-disque, enfant : Les cygnes sauvages d’Andersen, que je soupçonne de m’avoir un peu mal éduquée, au final.
Et dans La forêt qui dévore, je continue de réfléchir aux diverses dominations qui régissent nos vies, cette fois dans un thriller fantastique. Ce sera mon 20e roman publié par les éditions Nathan.
Deux romans que je crois très complémentaires, portés par une flamme de rébellion face aux injustices, qui au lieu de s’éteindre avec le temps, grandit. M’aurait-on menti sur l’immense sérénité qu’on est censés éprouver avec l’âge ?
Autre joie : Le Grand saut paraît en intégrale dans sa version poche chez PKJ ! Puisse-t-il connaître un aussi beau destin que Quatre filles et quatre garçons…




À SUIVRE…