Le début d’un nouveau roman m’est toujours difficile. Il me faut, pour bien écrire, être une autre tout en restant moi-même, à la juste place. Dans le cas du roman en question je dois être plusieurs autres (3 persos principaux, 3 secondaires directs, et plusieurs autres secondaires encore plus secondaires + moi, en l’occurence pour ce roman je ne sais pas encore où). Et surtout, puisque je ne suis pas encore emportée par l’écriture (cela advient généralement vers la fin du premier tiers – et je réécris après, souvent, tout le début), je traque avec férocité les écueils possibles, ce qui est peut-être une erreur vu que ça me freine pas mal. Voici ceux qui me guettent le plus, personnellement :

  • Ma pensée se déroule pratiquement toujours en spirale. Je vois et décris mon personnage dans une situation, qui m’amène à penser à tout ce qui l’a projeté dans cette situation, pourquoi et comment. Je l’explique alors, avant de retourner à la situation initiale et poursuivre mon récit. Les spirales sont ainsi incessantes, parfois même au sein de la même phrase, et peuvent fatiguer le lecteur (surtout s’il est jeune). Mais elles peuvent être très intéressantes dans la globalité d’un roman ; cette tendance a par exemple servi  #bleue, où la spirale se déroule sur le roman entier. A doser, donc.

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  • Dans les scènes d’action, j’ai un travers : je prête à mon personnage toutes sortes de pensées, qui ralentissent justement l’action. Cela rejoint ma pensée en spirale qui dans ce cas s’apparenterait plutôt à une pensée en gouffre où tombe mon personnage au lieu d’agir. J’ai du mal à décrire un personnage « non pensant », or c’est ainsi et je dois l’admettre : nous ne pensons pas toujours !

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  • Si mon écriture est parfois « alambiquée » comme me l’a dit une fois un directeur de collection (affectueusement pourtant), ce n’est pas par désir de préciosité mais parce que mon esprit est en constante distillation : il chauffe puis refroidit, avant de recommencer encore et encore. J’apprends ces temps-ci à allonger les temps de chauffe pour améliorer le parfum de mes récits… et à supprimer avec une grande faux les passages trop froids. Mais je ne veux pas éteindre totalement cette tendance parce que je sens qu’elle peut être une qualité dans certains cas. Et puis j’ai un amour profond pour les phrases proustiennes, dotées de fulgurances proches du soleil au sein de considérations abyssales proches des froids gouffres sus-nommés.

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Froid, chaud, haut, bas, vertiges et chutes, écrire c’est un peu un voyage sur les montagnes russes.

C’est ce que j’aime dans ce travail, souvent mené en discussion avec les éditeurs : cette remise en question à laquelle on est obligés, qui nous apprend à mieux nous connaître. Je me sers des conseils éditoriaux ou des critiques du public pour m’améliorer, mais je veille aussi à ne pas toujours les écouter, au risque de perdre la spécificité qui est la mienne, et de tomber dans une forme de platitude normée. Or il faut le savoir, en littérature dite pour la jeunesse, surtout pour les plus jeunes, on sent parfois la contrainte d’être « accessible » ; on est ainsi encore plus fortement tenté de se laisser aller à écrire de façon très normée. C’est le plus difficile, ces choix à faire, quoi accepter et quoi refuser. Il faudrait au final être doté d’une grande force : avoir une très grande conscience de ce que l’on fait, et de pourquoi on le fait.

En attendant méditons cette phrase d’Hemingway : “Le plus important des dons pour un bon écrivain est d’avoir, de naissance, un “détecteur de problèmes” qui résiste aux chocs.”

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