Lu dernièrement deux romans très complémentaires, l’un pour ados, et l’autre a priori pour adultes mais que tout ado peut lire. Les deux racontent, avec de nombreux points communs, combien être ado dans la Chine de Mao Zedong pouvait être schizophrène. Tout adolescent a tant le désir de coller aux idéaux d’une société qui les exalte qu’il lui est immensément difficile d’en percevoir la perversité.
J’ai rencontré la sympathique Anne Thiollier lors d’un salon du livre. Je signais à ses côtés et entre deux vagues de hordes de fans en folie nous avons trouvé le temps d’un peu discuter (bon OK, c’était hyper calme). Elle a vécu longtemps en Chine, et maîtrise donc bien son sujet. On le sent, tout est très bien documenté. Elle suit deux adolescents, un garçon et une fille. Leur parcours n’est pas censé démontrer quoi que ce soit de manichéen, il est juste décrit afin de montrer la complexité du désir d’oeuvrer pour le bien de la collectivité, et celui de ne pas s’oublier soi-même (ne pas oublier l’humain, parmi les hommes).
Des parcours initatiques qui sonnent juste, sans morale inutile et de toute façon impossible dans le contexte. C’est très bien mené, bien écrit, et les personnages sont très attachants.
Je suis allée écouter l’auteure de La Rivière et son secret lors d’un récital de piano, il y a quinze jours (dans le lieu hélas très inapproprié de l’étang des Aulnes de Saint Martin de Crau).
Elle était au tout début de l’adolescence lorsque Mao Ze Dong a pris le pouvoir. C’est donc cette fois une histoire vraie. Zhu Xiao Mei était une enfant pianiste prodige qui se produisait déjà en concert vers 5 ans. Soudain, elle doit comprendre que le plaisir de jouer du piano est un sentiment bourgeois donc proscrit. Jouer Bach, Mozart, Beethoven, bref toutes ces engeances occidentales, devient criminel. Posséder même un piano est dangereux (sa mère le cachera sous des couvertures, avec la précaution d’y accoler un dazibao, petite affiche proclamant sa honte d’en posséder un). Zhu Xiao Mei passera dix ans dans un camp de rééducation, car bien peu docile (elle s’en est évadée trois fois, et s’est même débrouillée pour y faire acheminer son piano, faisant croire que c’était pour jouer de la musique de propagande chinoise). A la mort de Mao, il lui faudra rattraper son retard, s’inscrire dans des écoles de musique pour lesquelles elle est désormais trop vieille, fuir de Chine, galérer aux Etats-unis, et enfin trouver de précieuses aides en France.
Elle commencera sa carrière internationale à quarante ans.
Un parcours passionnant.
Deux livres à lire pour tenter de comprendre les profonds écueils (pléonasme) auxquels peut mener toute idéologie aux valeurs si louables au départ.