Un peu en retard pour partager ici mes dernières lectures (partage fait uniquement sur Instagram, mais je tiens à les inscrire ici, sur ce blog, car j’en aime la pérennité, c’est comme, pour moi, la mémoire des mes lectures, que je peux retrouver facilement). Voici donc !
Dans l’ordre : Une rose seule (Barbery), Les enfants sont rois (De Vigan), Cher connard (Despentes), Le poids des secrets (Shimazaki), Les impatientes (Djali Amadou Amal), Ma vie de cafard (Carol Oates), Les guerres intérieurs (Tong Cuong), Nulle et grande gueule (Carole Oates), Liv Maria (Julia Kerninon), Entre fauves (Niel).
Terminée dans le TGV – j’aime lire dans les trains – cette petite merveille à la langue sensuelle à la fois étrangement ronde et ciselée. Un voyage de temple en temple japonais, aux sensations qui enflent. Je dois maintenant me procurer la suite (vite, avec cette urgence de quand on aime une histoire).
(Ou comment une autrice peut surprendre, car la Muriel Barbery de L’élégance du hérisson n’est pas la même que celle d’Une rose seule).
Ai fini pendant un trajet en train où j’ai failli rater mon arrêt tellement j’étais absorbée : *Les enfants sont rois* de Delphine de Vigan. Cette autrice ne me déçoit décidément jamais, et me surprend toujours. J’aime beaucoup sa façon efficace et fine de raconter des récits passionnants et toujours très différents (j’aime aussi cette manière d’explorer les genres). Ici, le récit est de veine policière, hautement contemporain et glaçant. Le thème : la surexposition de soi et de sa famille sur Internet… Avec ses pires conséquences. De quoi me féliciter largement de ne jamais avoir posté de photos ou vidéos de mes enfants sur les réseaux sociaux ! Le piège dont il s’agit, que l’on s’auto-crée, est magistralement analysé et démonté, au fil d’une histoire qui nous tient en haleine de bout en bout. Et l’on se prend à espérer une nouvelle aventure mettant en scène Clara la procédurière, à l’image de ses séries de flicaille où l’immense majorité des héros sont des commissaires débonnaires, solitaires et tourmentés. Solitaire, oui, tourmentée aussi, mais nerveuse et menue : voici une nouvelle héroïne flic très attachante.
J’ai enfin lu le dernier Despentes. Ce récit épistolaire m’a rappelé en tout premier lieu à quel point j’étais attachée à 1 ou 2 chers connards dans le genre d’Oscar. Et ça fait un peu de bien de se sentir adoubée par Virginie Despentes herself d’avoir de telles amitiés auxquelles on tient – on y tient parce qu’on a de l’espoir dans ce que l’évolution sociétale peut amener de positif dans les comportements/paroles/prises de position de ces chers formatés, qu’on aime parce qu’ils sont subtils, intelligents, drôles et sensibles malgré leur sexisme à la con, et ce roman nous donne cet espoir-là. Pour ma part, point d’autre épiphanie dans ce récit que j’ai trouvé très apaisé en regard de son King Kong Théorie (que j’avais adoré), et je ne suis pas certaine d’y avoir trouvé ce dont j’ai besoin en ce moment. Je me suis attachée aux personnages, d’une humanité mordante et attendrissante, j’ai aimé l’intention et le désir de recentrer bien de sales débats sur cette complexe humanité qui nous constitue, et que nous ne devrions jamais oublier chez l’autre. Il y a quelques passages aussi fulgurants et jouissifs que dans King Kong Theorie, mais j’aurais aimé, je crois, entendre davantage la voix de l’autrice que celle de ses personnages. L’écran mis entre elle et eux m’a gênée, et pour moi, cela a ôté de la force à ce que je lisais de plus intéressant dans tout cela. Je crois que je suis juste en nostalgie totale de la jubilation ressentie en lisant l’essayiste, pas retrouvée chez la romancière. Cela reste néanmoins un roman postmetoo nécessaire, une façon directe et intelligemment réflexive de montrer ce qui se passe de violemment contemporain en ce moment, pour peu qu’on vive dans son temps.
Petite merveille que cette pentalogie : *Le poids des secrets* de Aki Shimazaki. Une amie me l’a offerte il y a déjà un moment et c’est étrange comme parfois on reporte certaines lectures sans raison autre qu’on est alors plus attirée par d’autres. C’est un post ici d’une de mes éditrices-amies qui a renversé mes priorités de lecture. J’aime suivre ces chemins imprévus de désir de lecture, surtout quand ils sont balisés sans bruit et sur la pointe des pieds par des amoureux ou amoureuses de la littérature, bien plus que lire forcément les romans dont-on-parle-en-ce-moment (même si je me suis offert 2 romans de la rentrée littéraire : l’incontournable Despentes mais aussi *Vers la violence* de Blandine Rinkel).
Cette pentalogie, donc, est une histoire familiale et amoureuse qui se déroule sur plusieurs générations, dont le drame central a été pulvérisé par un drame national et historique, sans en effacer les douleurs. C’est néanmoins plein d’espoir et de beauté. Chaque roman est le point de vue d’un personnage (j’aime tant ces comédies humaines…), dont l’histoire a comme bruit de fond ou ligne de fuite un élément de la nature : lucioles, hirondelles, camélias, palourdes, myosotis. Un concentré de beauté qui fait du bien.
– Après avoir été soufflée par *Un tesson d’éternité*, j’ai eu envie de lire un autre roman de Valérie Tong Cuong. *Les guerres intérieures* m’a moins bousculée mais m’a confirmée qu’il s’agit là d’une excellente écrivaine, sensible, et qui cherche à voir au-delà des apparences.
– Grosse claque avec *Les impatientes* de Djali Amadou Amal. Etre projetée dans *La servante écarlate* tout en sachant que cela existe vraiment, ici et maintenant, là oui ça bouscule. Je ne suis pourtant pas ignorante de la situation de nombreuses femmes dans le monde, mais l’autrice a réussi à montrer tout le système implacable, validé et justifié par la religion, qui broie les femmes peules du nord du Cameroun. Edifiant, triste, révoltant.
– Une valeur sûre, ensuite : Joyce Carol Oates ! Je n’ai pas encore terminé *Ma vie de cafard* mais je suis si emportée que je sais déjà que ce sera une bonne lecture de bout en bout. JCO y dénonce le racisme d’une société américaine bigote et hypocrite, où personne n’est gagnant (mais certains plus que d’autres, quand même). Là aussi tout un système est décrit, tout aussi implacable.
– J’ai un peu hésité et finalement je ne mets pas en photo le 1er tome de Blackwater car je pense ne pas lire le reste de la série. Certes, c’est prenant, intrigant et efficace mais j’ai été un peu agacée par cette affirmation un peu trop répétée : « certes les femmes n’ont que peu de choix de travail extérieur ni de participer aux réunions de la cité mais ce sont elles qui ont le pouvoir malgré tout, hein, ne vous y trompez pas » : manière de faire croire que rester toute la journée à la maison en se crêpant le chignon, c’est avoir du pouvoir. En plus de cela les personnages masculins sont résolument idiots, ce qui est pratique pour corroborer cette idée. Ca s’arrange peut-être après (et j’espère qu’il y a aussi une critique de l’esclavage, voire une revanche…) mais il y a tant de bons romans à lire que je ne vais pas perdre mon temps à lire toute une saga qui ne m’a emballée qu’à moitié – même si les couvertures sont superbes.
Le 2e roman jeunesse que je lis, de Joyce Carol Oates. J’avais adoré le délicat *Sexy*, j’ai beaucoup aimé *Nulle et grande gueule*, avec ses 2 ados criants de vérité, soudés face à la bêtise humaine. Une belle satire de la société, en sus, ce qui ne fait pas de mal.
Puis *Liv Maria* de Julia Kerninon : magnifique destin de femme dans un récit parfaitement maîtrisé, profond, bien écrit. Une très belle découverte.
Dernière bonne lecture (accompagnée par l’un des petits fauves chez qui je vis) : *Entre fauves* de Colin Niel. Belle écriture, sujet passionnant (l’écologie versus la chasse versus la défense animale), raconté de façon efficace via divers points de vue : une réussite. On dévore le dernier tiers du roman pour dénicher le plus fauve d’entre les fauves. Qui, aussi, sera le plus résistant ? Un roman qui parvient à tenir le lecteur ou la lectrice en haleine jusqu’à la dernière ligne, ce n’est pas si courant.