Un mot qui n’est peut-être vrai qu’au pluriel, puisqu’il suggère ainsi qu’il n’en est pas d’unique, et qu’il en advient plusieurs fois dans la journée, tout comme il fait beau plusieurs fois par jour à Cherbourg.
Bonheurs d’inspiration palpitante voire saugrenue, ou bonheurs tout simples…
« C’est à Paris, à la fin de 1939 ou au tout début de 1940, à une période où j’étais alité suite à une grave crise de névralgie intercostale, que je ressentis en moi la première petite palpitation de Lolita. Si je me souviens bien, le frisson d’inspiration initial fut provoqué bizarrement par un article paru dans un journal à propos d’un singe du Jardin des plantes qui, après avoir été cajolé pendant des mois par un chercheur scientifique, finit par produire le premier dessin au fusain jamais réalisé par un animal : cette esquisse représentait les barreaux de la cage de la pauvre créature. La pulsion que j’évoque ici n’avait aucun lien textuel avec le courant de pensées qui s’ensuivit, lequel se traduisit cependant par un prototype du présent roman, une nouvelle d’une trentaine de pages. Je l’écrivis en russe, la langue dans laquelle j’écrivais des romans depuis 1924 (les meilleurs d’entre eux ne sont pas traduits en anglais, et tous sont interdits en Russie pour des raisons politiques). Le protagoniste était un homme d’Europe centrale, la nymphette anonyme était française et l’action se déroulait à Paris et en Provence. »
(Nabokov dans « A propos d’un livre intitulé Lolita », nouvelle trad. de Maurice Couturier, Gallimard, Pléiade, 2010, p.1137-1138)
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Une liste des bonheurs, dans la production poétique méconnue de Brecht :
« Le premier regard par la fenêtre le matin / Le vieux livre retrouvé / Des visages enthousiastes / De la neige, le retour des saisons / Le journal / Le chien / La dialectique / Prendre une douche, nager / De la musique ancienne / Des chaussures confortables / Comprendre / De la musique nouvelle / Écrire, planter /Voyager / Chanter / Être amical. » (« Bonheurs »)