Mon grand plaisir du matin (après le petit-déjeuner – j’adore petit-déjeuner), est, après avoir déposé mon fils à l’école, de rentrer en longeant la mer.
Et ce matin, en plus, j’ai soudain été saisie par… un petit pan de mur jaune. La lumière exceptionnelle qui le mettait en valeur a été brève, vite escamotée par les nuages très mobiles. Je n’ai pu saisir que l’instant d’après, qui en donne une idée plus pâle (il s’agit du mur le plus haut).
Le vent est fort, en témoignent les rides de l’eau du port pourtant abrité. Imaginez donc s’il vous plaît le bruit des mâts qui s’entrechoquent.
Vous ne savez pas du tout de quoi je parle ? Vous ne lisez donc pas mon blog depuis très longtemps car j’en ai déjà parlé. Vous êtes tout pardonné. Regardez alors le tableau de Vermeer, où le petit pan se tourne du côté opposé au mien, et davantage en retrait, ce qui lui donne toute sa tendresse :
Et lisez Proust ! (Sans Vermeer, sans Proust, je n’aurais pas eu ce petit moment de bonheur. Cette vision du monde spéciale. Répétons-le, scandons-le : sans l’art et la littérature, la vie est moins belle).
« Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous voyons le monde se démultiplier, et, autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent à l’infini, et, bien des siècles après que s’est éteint le foyer dont il émanait, qu’il s’appelât Rembrandt ou Vermeer, nous envoient encore leur rayon spécial. » Marcel Proust, A la recherche du temps perdu (Tome III, Pléiade)
« Enfin il fut devant le Ver Meer [tableau de la Vue de Delft, …], il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu’il veut saisir, au précieux petit pan de mur. » Marcel Proust, A la recherche du temps perdu (Tome III , Pléiade)