Retrouver la parole écrite, dans le contexte d’un tel début d’année, n’est pas chose aisée. Sur facebook, les paroles des uns et des autres ont fusé, certaines intéressantes, sans doute. Mais la cacophonie est parfois embarrassante. J’ai eu le sentiment qu’on déposait devant ma porte des tonnes de paquets que je n’avais pas envie d’ouvrir. Et pour une fois, moi qui déteste les slogans et raccourcis simplificateurs et mal interprétables, je ne me suis reconnue que sous la bannière Je suis Charlie. Face à un deuil,  le silence. Jamais su écrire le bouleversement, frontalement, en direct. Me taire, ou bien prendre les choses par la tranche me permet de réfléchir. Parler avec des amis, lire la presse et écouter la radio furent mes bouées.

Sentiment prédominant aujourd’hui : révolte et dépit face à ceux qui instrumentalisent à des fins politiques des populations qui n’ont pas eu la chance d’être instruites.

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Conséquemment (?), envie de parler sémantique, de façon légère, et sans lien aucun avec ce qui précède.

Cela m’amuse, simplement, mais régulièrement je vois apparaître des tics de parole et d’écriture, souvent par mail. Un jour, par exemple, il y a un ou deux ans peut-être, une amie parisienne un peu mondaine, qui n’habite plus à Paris (ceux qui attrapent les tics et les tocs le plus vite), a fini son mail par ces mots : « A vite ». C’était la première fois que je voyais ça. D’ordinaire, les mails se terminaient par : A bientôt, ou bises, ou je t’embrasse, suivant le degré d’intimité. Le mail suivant se terminait par « A très vite ». L’empressement s’aggravait.  Mon esprit allait à toute allure : quand avions-nous prévu de nous revoir ? Cela me paraissait plus lointain que « vite ». Quelle urgence la motivait ? Avait-elle besoin de se confier rapidement à moi ? Notre amitié ne pouvait-elle plus attendre, un peu comme quand, ado, j’écrivais sur les enveloppes à destination de mes amies : « Vite, vite, facteur, l’amitié n’attend pas ! » ? Puis un autre mail arriva, de mon milieu professionnel, venant de quelqu’un qui ne m’est pas spécialement proche. « A très vite ». Cela me calma illico. Ouf, mon amie n’était pas au fond du trou, pressée de me voir afin que nous en parlions. Désormais, c’est courant. Je reçois des tonnes de « A vite » ou « A très vite » en fin de mails, surtout de Parisiens, il faut bien le dire. C’est une formule très bienveillante, très amicale, qui me montre qu’on a envie de me voir ou de communiquer avec moi, et cela me fait plaisir. Mais, je l’avoue, elle me met aussi parfois mal à l’aise, parce que la vitesse est parfois une posture qui demande peu d’effort, puisqu’elle ne dure pas longtemps.

Autre expression qui s’est répandue il y a peu : « En revanche ». Je trouve ces mots infiniment élégants. J’admire ceux qui l’emploient à l’oral de façon très naturelle. Pour certains, cela fait longtemps qu’ils l’emploient, bien avant la mode. Cela dénote un amour de la langue française quasi-aristocratique. A une époque un tout petit peu éloignée (il y a 2 ou 3 ans), c’était « cela dit », puisque « ceci dit » est impropre (je le disais et l’écrivais beaucoup avant de l’apprendre). Si j’ai réussi assez facilement à me couler au « cela dit », et si on ne me fera plus jamais dire le « par contre » que je ne trouve pas joli, je ne parviens décidément pas à employer le « en revanche ». Ce n’est même pas pour son côté revanchard, plutôt drôle en l’occurence, c’est pour son côté très écrit, pour le temps qu’il faut prendre à le dire (4 syllabes dont la dernière très riche – il faut être certain qu’on nous écoute lorsqu’on ose dire cette expression, avoir cet aplomb), et donc encore un peu élitiste. Peut-être va-t-elle se démocratiser à force d’être de plus en plus employée ? C’est possible. Mais cette expression ne m’a jamais autant fait réfléchir sur ce que j’arrive à dire ou non, sur ce que j’admire dans les paroles des autres, sur ce que je projette quant à ce qu’ils sont, et donc sur ce que je suis.

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Dans un article prochain, si je parviens à me reconstituer encore un peu davantage, je vous posterai des jolies chroniques récentes sur Hors de moi, Quatre filles et quatre garçons, secrets.com et même #bleue pourtant pas encore paru. Je vous parlerai de mes prochaines parutions pas secrètes. Et enfin de mes lectures, ça fait drôlement longtemps. Bigre. (Qui arrive encore à dire bigre ? :-)).

Autres formes d’expressions (peut-être réservées aux sorcières bien-aimées)

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3 Commentaires
  • Cécile
    8 mai 2015

    « En revanche », je l’aime en bouche et sur papier… bien plus savoureux que : « à l’opposé, au contraire, par contre »… amusant aussi à dire : « en outre » (petit son d’antan !) …
    J’ai aimé votre article. Souvent, je me dis qu’il faut s’attacher aux sons des mots autant qu’à leurs goûts… être gourmand de l’idiome……… et mélomane !

  • Marion
    22 janvier 2015

    En revanche, pour ma part, j’ai très naturellement utilisé « en revanche » pendant des années, et à force de mimiques et de réprobations, j’ai cru que je faisais erreur, que c’était impropre, que c’était encore une imprécision de ma langue maternelle (ma maman disait « en revanche » plus souvent qu’à son tour) et donc, j’ai arrêté. Ton article, par conséquent, me bouleverse. Tu es la porte parole de ma revanche. Après « rogomeux » que j’emploie abondamment depuis que tu me l’as appris… Que te devrai-je encore ?

    • florence
      22 janvier 2015

      Continue à dire « en revanche », c’est très joli et cela convient parce que tu fais des débats avec des gens importants 🙂 Ce gen important auquel je pense a écrit à propos de l’expression « pas de souci », que je n’arrive plus à dire depuis que je l’ai lu. Les mots nous dépassent ! Quoi qu’il en soit, hâte qu’on ait toutes deux la voix rogommeuse après une soirée à boire et discuter !