Mes deux dernières lectures furent originales et m’ont donné matière à réflexion sur ce que l’on peut écrire et comment à l’ère post metoo.

Harvey de Emma Cline décrit un Harvey Weinstein à la fin de sa vie paisible et impunie. Une journée presque comme une autre, où l’homme vit sa déchéance de façon lointaine, anesthésiée, incrédule. Cela donne un portrait pathétique tout en étant humain, et j’ai assez aimé cette façon de faire, apparemment simplement descriptive, et souvent caustique. Une curiosité, courte et intéressante.

J’ai déjà lu Chloé Delaume, et Le coeur synthétique m’est apparu comme un roman plus accessible que ce que je connaissais d’elle, en tout cas en apparence.

J’ai acheté ce roman au Mucem, lors d’une soirée pendant le festival Oh les beaux jours où elle a lu un texte incisif que j’ai beaucoup aimé, et qui se trouve dans la lignée de ce roman-ci, mais que j’ai préféré car allant plus loin. Ici Chloé Delaume reste au plus près d’Adélaïde, personnage tour à tour pathétique, drôle, caustique, astucieux. Il en faut de l’astuce pour survivre dans le milieu décrit (celui de la culture, à Paris, et plus précisément de l’édition), quand on approche la cinquantaine et que l’on vient de se séparer de son compagnon. On rit à la fois d’Adélaïde et des milieux qu’elle arpente. J’ai souvent pensé au style de Houellebecq, dépressif et cynique, et j’ai pu mesurer à quel point il pouvait être plus facile de manier un tel style quand on est masculiniste que lorsqu’on est féministe. Car l’autodérision, très présente chez ces deux auteur·ices, peut se retourner contre l’héroïne de la deuxième, chez un lecteur ou une lectrice habituée à ce que les femmes soient malmenées dans les romans du premier. Chez Houellebecq, quand il est question des femmes c’est du 1er degré quand chez Delaume c’est du 2e. Mais il faut prendre ce risque en tant qu’autrice, j’en ai pris conscience, sans quoi les femmes, et en particulier les féministes, sont condamnées à n’être justement que dans le 1er degré en littérature, quand elles parlent d’elles-mêmes ou de leurs semblables. J’ignore si je me fais bien comprendre, en tout cas pour moi cela fut riche d’enseignement et de réflexion !

En tout cas voilà une ode sarcastique à la sororité, pour des femmes qui tentent de se réapproprier le mythe de la sorcière, dans une société où avec l’âge c’est la meilleure des postures à adopter suivant Adélaïde (et sans doute selon Chloé Delaume), sous peine de périr dans l’invisibilité.

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