Quand dès le premier mot, on sent que ça ne peut que mal se passer…

Deux romans, de factures très différentes, qui ont pour points communs d’évoquer la vie des plus faibles et opprimés, et d’avoir été accusés en leur temps d’avoir été écrits en un français basique ou vulgaire. Et d’être des lectures-choc :

 

L’histoire d’une grève dans les années 30, dans le milieu agricole, où l’on suit deux « reds ».

– Et vous, Lisa, quelle solution proposez-vous ?
– Quoi ? fit-elle en sursautant.
– Qu’est-ce qu’il vous faudrait pour être heureuse ? expliqua-t-il.
– Je voudrais bien avoir une vache, dit-elle. Du beurre, du fromage que je ferais moi-même.
– Jamais eu de vache, Lisa ?
– Si, quand j’étais petite, nous en avions une. J’allais boire du lait tout chaud. Ce serait bon pour le petit.
…..

– Jamais eu de vache Jim ? demanda Burton .
– Non.
– Je n’ai jamais pensé aux vaches en tant qu’animaux contre-révolutionnaires, murmura Burton.
– De quoi parlez-vous, Doc ? Je ne comprends pas.
– De rien. Je n’ai jamais été heureux. J’ai été médecin au front, pendant la guerre. On amenait un des nôtres avec la poitrine traversée, puis un Allemand aux gros yeux, une jambe arrachée. Je travaillais sur eux comme sur du bois. Parfois, lorsque c’était fini, quand je ne travaillais plus, j’étais malheureux, comme à présent. Je me sentais seul.
– Vous ne devriez penser qu’au résultat, Doc, dit Jim. De toutes ces luttes, sortira du bien qui justifie les moyens.
– Jim, je voudrais en être sûr. Si j’en crois ma jeune expérience, la fin n’est jamais très différente des moyens, au moins quant à sa nature. Bon Dieu, Jim, il ne peut naître que violence d’une chose édifiée dans la violence.
– Je ne crois pas, dit Jim. Toutes les grandes choses ont commencé par la violence.
– Il n’y a pas de commencements, dit Burton, ni de fins. Il me semble que l’homme s’est engagé dans une lutte terrible, aveugle, pour s’arracher à un passé dont il ne se souvient pas, vers un futur qu’il est incapable de prévoir et de comprendre. L’homme a affronté et vaincu tous les ennemis possibles, à l’exception d’un seul. Il est incapable de remporter une victoire sur lui-même. L’humanité se déteste elle-même.
– Nous ne nous détestons pas nous mêmes, dit Jim. Nous détestons le Capital qui nous tient asservis.
– De l’autre côté de la barricade, il y a aussi des hommes Jim. L’homme se déteste lui-même. Les psychologues prétendent que cette haine balance l’amour de soi, dans le coeur de chacun de nous. Nous nous combattons nous-mêmes et nous ne pouvons l’emporter qu’en tuant chacun des autres. Je me sens tout seul Jim. Je n’ai rien que je puisse haïr.

 

 

Impossible de lâcher ce roman, suspendue à l’histoire bouleversante de cette femme à la parole soudain libre. Lien très fort avec le Stabat Mater Furiosa de Jean-Pierre Siméon.

«Cette voix qui émerge de ma gorge, c’est la voix enfouie depuis des milliers d’années».

« C’est ça que l’on appelle le mystère, ma petite. Toute fin est possible, mais savoir celle qui est bonne et juste… c’est là où réside le mystère. (…)
Pour avoir une fin heureuse, cette histoire, ma fille, comme dans la vie, exige un sacrifice. Autrement dit, le malheur de quelqu’un. N’oublie jamais : chaque bonheur engendre deux malheurs. (…) Malheureusement ou heureusement, tout le monde ne peut pas accéder au bonheur, que ce soit dans la vie ou dans une histoire. Le bonheur des uns engendre du malheur chez les autres. C’est triste mais c’est ainsi. Dans ce conte, il te faut donc malheur ou sacrifice pour que tu parviennes à une fin heureuse. Mais ton amour de toi-même, et l’amour que tu portes à tes proches, t’empêchent d’y réfléchir. Cette histoire exige un meurtre. Le meurtre de qui ? (…)
Alors; il n’y a aucune fin heureuse ! Il m’a dit : Si. Mais, comme je te l’ai dit, à condition de se résigner à un sacrifice et de renoncer à trois choses : l’amour de soi, la loi du père et la morale de la mère. »

 

 

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