Le terme de « OVNI » a été utilisé plusieurs fois pour qualifier (avec grande bienveillance, précisons-le) ma série *Les faits et gestes de la famille Papillon*, et voilà qu’il apparaît aussi pour définir *Comme un homme* de la collection Court Toujours.

Cela me surprend autant pour mes Papillon que pour mon Comme un homme, tant je n’ai eu à aucun moment de l’écriture de ces deux récits le désir de dérouter. En revanche, dans les deux cas, j’ai très volontairement voulu opérer un mélange des genres.

Mes Papillon sont à la fois un récit historique, un récit loufoque, et un récit d’aventures fantastiques. Mon Comme un homme mêle le genre du Nature writing avec celui du récit de l’intime jusqu’à ses plus profondes douleurs, ses plus profonds questionnements (aussi profonds que la tanière d’une ourse).

Dans les deux cas je n’aurais pas pu raconter ce que je voulais raconter en restant dans un genre précis et bien déterminé. Pour mes Papillon il s’agissait de coller fidèlement à ce que m’inspiraient les photos de la collection de Jean-Marie Donat (loufoques, historiques, qui traversent le temps de façon quasi-fantastique). Dans le cas de Comme un homme, je désirais utiliser les codes de récits qui s’adressent traditionnellement davantage aux garçons pour les happer dans le drame intime que vivent beaucoup de femmes (c’est un peu un piège, je le reconnais !) : je suis partie de l’extérieur pour mener mes lecteurs vers l’intérieur – c’est toute l’histoire d’Alex et Alain, comme le dit Carrère.

Je n’y avais pas réfléchi plus que cela, tant ces défis narratifs me sont apparus comme inévitables en regard de ce que je désirais raconter, mais je me demande maintenant si cela ne correspond pas à un besoin plus ancré.
A l’heure où certains pensent que le roman est mort au profit du récit de soi (coucou Edouard Louis), peut-être au contraire que jamais le roman n’a été aussi vivifiant, dans la nécessité d’en bousculer les codes. Le monde est si changeant, comment faire autrement ? Si l’on veut que les garçons entendent (et le terme « entendre » a du sens avec la collection Court Toujours), si l’on veut donc qu’ils entendent des récits intimes qui aujourd’hui ne circulent qu’entre femmes, ce qui ne risque pas de faire reculer la masculinité toxique qu’on appelle tant de nos voeux, ne faut-il pas bousculer la façon de raconter ces récits intimes ?

Si l’on veut que les enfants connaissent l’Histoire, se familiarisent avec les images qui l’illustrent, et tirent eux aussi des leçons du passé, les attirer par l’humour et l’aventure n’est-il pas une bonne idée ?

Il faut, bien entendu, des romans au genre bien défini pour que les enfants et les ados sachent les reconnaitre, et en reconnaître les codes et la portée. Mais écrire des « OVNI » qui bousculent ces codes et ces genres peut être aussi une façon d’échapper à des déterminismes qui ne nous font plus forcément du bien. Pourquoi rester dans des cases quand on ressent le besoin de les faire exploser ? (ce qui est amusant c’est que cette réflexion sur les genres littéraires pourrait s’appliquer à toutes les autres acceptions du mot « genre »).
A réfléchir, non ?

(Et je n’ai pas fini de réfléchir. Prochainement, une petite analyse perso sur le récit de SF, dont la mission d’alerte n’a plus le même sens à l’heure des collapsologues et autres aveux d’impuissance – qui ne me conviennent pas du tout. Large faisceau de réflexion, vous vous en doutez…)

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