Aveu : j’adore retravailler mes romans, d’après les remarques de mes éditrices ou éditeurs. Je n’ai connu qu’un seul cas où ce fut difficile, c’était pour Nos éclats de miroir, qui pour moi était une matière brute déjà polie, où tout tenait en si fragile équilibre que je me suis rendue compte peu à peu qu’il n’y fallait quasiment rien toucher. Mais pour des romans moins dentelés, le regard extérieur est précieux.
La période est belle en ce moment d’ailleurs parce qu’à peine après avoir fini le retravail de l’un, je dois me lancer dans le retravail d’un autre. Cette étape est confortable car la matière est déjà là, et je la vois comme un pain d’argile à remodeler pour qu’il prenne des contours plus fermes et cohérents. Moi je vois tout encore de trop près, et l’éditrice prend du recul, tourne autour du buste. « Là, regarde, le nez est trop droit, pas assez affirmé, il ne correspond pas encore assez à la personnalité de son propriétaire »…
C’est l’étape où on revit, comme au moment de finir le roman, la hantise de son récit, où il ressurgit la nuit, où les personnages reviennent sous la forme d’ombres de plus en plus précises.
Et donc après avoir livré hier un texte loufoque (quoique ponctué de vérités historiques – cette incapacité pathologique à la légèreté totale…), je me lance dès maintenant dans le retravail de mon texte d’anticipation, une dystopie comme je l’entends (et non comme on nomme actuellement des tas de romans qui n’en sont pas), où se mêlent, comme dans #bleue ou Théa pour l’éternité, des problématiques éthiques, sociologiques, politiques, pour résumer transhumanistes, qui fondent les relations humaines, et donnent vie à mon petit peuple, assez tourmenté il faut bien le dire.
Et vous, comment verrez-vous ces reflets ? Hâte de le savoir. En attendant je retourne à mon modelage.
(Sculptures de Camille Claudel)