U4
22 juillet, 10h:30
Ça y est, je suis dehors. Je redécouvre l’air frais, il n’y a pas un bruit, plus personne dans les rues, seuls des dizaines de cadavres les occupent. J’avance, sans savoir quoi penser.
Sur Marseille, ma ville toujours ensoleillée, flotte aujourd’hui la mort…
Je suis maintenant assise sur un banc face au vieux port, je vois La bonne mère, elle, est toujours là, elle scintille toujours mais tristement. Il faut que je me reprenne en main, que je trouve d’autres adolescents comme moi, il faut que je fasse quelque chose, que j’arrête de pleurer.
Je me lève et marche au hasard, je passe à côté de l’hôtel de ville, j’arrive place de Bargemon et là se trouvent des montagnes de cadavres, soudain une jeune fille passe, elle court très vite, son visage montre qu’elle a peur, je cours pour lui demander ce qu’il se passe mais elle a déjà disparue, je continue dans l’avenue Saint Jean en faisant maintenant plus attention. J’arrive place de Lenche, au loin je vois un groupe de mon âge, je me dirige vers eux, enfin, je ne vais plus être seule ! En m’approchant je distingue qu’ils sont armés, lorsqu’ils me voient ils se mettent à crier, à courir et je les entends charger leurs armes, soudain une balle passe à deux centimètres de mon épaule, cette fois je ne cherche pas à comprendre, je ne dois pas rester une minute de plus ! À ma droite se trouve l’escalier des Accoules, je n’hésite pas, je grimpe les marches quatre à quatre, c’est très pentu et je me fatigue vite, je regarde derrière moi, ils me suivent, la peur prend le dessus et me fait continuer encore plus vite. Je tourne à gauche, passe à côté de travaux abandonnés, évite constamment des cadavres que je n’ose même pas regarder . Derrière moi j’entends toujours des coups de feu, mais ils commencent à être plus lointain, je traverse la place des Moulins que je connais bien, et cours droit vers le vieux moulin. Je le contourne rapidement, la porte est bien sûre fermée, je rassemble mes dernières forces et casse la porte en bois. Je me précipite à l’intérieur, il était temps, quelques secondes plus tard je les entends passer, par chance ils ne pensent pas à regarder ma cachette. Lorsque les derniers ados de la patrouille traversent la place, j’entends l’un d’eux dire « Il ne faut pas qu’elle nous échappe, elle va piller tous les magasins, comme les autres ! » C’est donc en reprenant mon souffle que je comprends la cause de cette course poursuite, cette fois je m’en suis sortie, mais est-ce que je survivrai ?
Judith
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22 juillet, 10 : 30
Toujours aucun bruit. Je suis sortie de chez moi ce matin et suis venue m’asseoir sur un banc du vieux port duquel je n’ai pas bougé. J’observe distraitement le mouvement des bateaux sur les vagues. Tout est calme et silencieux autour de moi. Un groupe de trois ados arrive au loin, ils ne m’ont pas vu ; c’est la deuxième fois que je les aperçois. Tous portent une casquette rouge. Je me lève et m’avance dans leur direction. Ils viennent de me voir et semblent s’agiter. Des couteaux brillent à leurs ceintures, tous les trois s’en saisissent et se mettent a courir vers moi. L’un d’eux le lance en me visant. Je suis soudain saisie d’une peur violente, sous le choc je m’enfuie en courant. Mes poursuivants sont rapides et me rattrapent petit à petit. Je remonte à toute vitesse les escaliers des Accoules, épuisée je cherche un endroit où me cacher. Je me précipite dans un hall d’immeuble ouvert et enjambe les escaliers sans cesser de courir, la peur a pris l’emprise de mon corps et je ne sais pas où mettre de la tête. Je n’entends plus mes traqueurs, je prie pour qu’ils ne m’aient pas vu entrer dan l’immeuble. Je m’engouffre dans un appartement ouvert et me blottit au hasard derrière un canapé. Je regarde ma montre. Cela fait 10 minutes que je suis cachée, je me hisse hors de ma cachette et me baisse sous la fenêtre pour l’ouvrir sans me faire repérer. J’entends des voix, ce sont eux, «on l’a perdu» disent ils en me qualifiant de voleuse, «elle va tout prendre dans les magasins sans en laisser pour les autres» ; mes assaillants se promettent de me retrouver en disparaissant. Cette fois je m’en suis sortie, mais est ce que je survivrai ?
Anna