J’ai réalisé très récemment l’influence qu’exerce encore sur moi, inconsciemment, les romans d’Henri Bosco empruntés à la bibli et lus quand j’étais petite. L’enfant et la rivière… On retrouve le rêve de rivière par moments dans L’été où je suis né.
Mais surtout, je m’étais toujours demandé où j’avais pu pêcher le prénom de Hyacinthe, dans ma toute première histoire écrite, enfant. C’est, certainement, encore, Henri Bosco (L’âne culotte fait partie du cycle de Hyacinthe).
Juste pour le plaisir, voici un extrait très beau de L’enfant et la rivière. Je ne peux pas m’empêcher de penser à quel massacre il serait soumis par les diktats éditoriaux d’aujourd’hui (phrases trop longues, dites alambiquées, répétitions, points-virgules, etc…). On n’a plus le droit aujourd’hui d’écrire ainsi pour les enfants :
....mais n’empêche que d’être là à flotter sur ces quatre planches légères, en pleine matinée de soleil et de brise, m’emplissait d’un bonheur vivant, d’un vrai bonheur… J’en avais sur la peau, j’en avais dans la chair, j’en avais dans le sang ; il descendait jusque dans l’âme. Je ne savais pas ce qu’est l’âme. A cet âge là on est ignorant. Mais je sentais bien que ma joie de vivre était plus grande que mon corps, et je me disais : « Pascalet, c’est l’ange du Bon Dieu qui remue de plaisir en toi. Traite-le-bien. »
Je le traitais bien mais assez familièrement.
En ce temps là, dans nos villages, les gens avaient encore l’esprit simple et, quand ils prenaient du plaisir, ils le prenaient bien. Cette simplicité d’esprit leur permettait de comprendre tout de suite le sens profond des contes ; et s’ils étaient ravis de leur naïveté, c’est qu’elle s’accordait à leur propre sagesse. Réduite à quelques pensées claires, cette sagesse peut nous sembler courte ; et cependant elle est le trésor épuré d’une antique expérience.
Ce vrai savoir, s’il vit réellement n’est pas morose. Il appelle souvent et inspire la fantaisie des hommes. Alors il devient, comme dans ce conte, un divertissement, et ce qu’il enseigne est si beau que la sagesse nous enchante.
Magali Bourdet
1 février 2012pas de mal entendu: je ne cesserai pas de m’ébahir dans les rayons de littérature jeunesse !! C’est l’idée d’obliger des auteurs à produire des textes simples qui m’a fait réagir mais tu as raison: cette simplification prend sa source chez les adultes. Il faut espérer que les ‘résistants’ de la littérature jeunesse resteront nombreux car sinon le chat va se mordre la queue: les adultes de demain ne seront plus à même d’apprécier des textes riches.
En attendant, j’ai emmené mon fils à la librairie pour qu’il s’achète un livre et je suis repartie avec un album sous le bras…pour moi !! ;-D
Magali Bourdet
25 janvier 2012C’est extrêmement intéressant (voire inquiétant) ce que tu dis là: si j’ai bien compris, les éditeurs attendent ou plutôt exigent de vous, auteurs pour la jeunesse, des textes simplifiés… phrases pas trop longues, etc…
Qu’on donne en CM une version raccourcie de « Vingt mille lieues sous les mers »…bon, ça se discute (d’aucuns diront qu’ils pourraient tout aussi bien le lire quand ils seront en âge de le faire, d’autres que cela peut leur donner envie d’aller vers l’original lorsqu’il sera temps…). Mais là, il me semble que d’une part,on bride les auteurs et d’autre part on nuit à long terme, à la qualité des écrits destinés aux jeunes puisque, les éditeurs n’étant pas si nombreux, leurs critères risquent d’infléchir tout un pan de la littérature vers une simplification dont le bien fondé reste, selon moi, à démontrer.
En attendant, merci pour ce rappel…cela m’a donnée envie de retourner à L’enfant et la rivière…
florence
26 janvier 2012La littérature jeunesse n’a fait que s’aligner à une tendance générale : regarde les romans « pour adultes », aujourd’hui. Ils sont aussi faits de phrases élémentaires, pour la plupart ! Quels adultes acceptent de nos jours de se laisser embarquer dans des romans un peu plus complexes ? Peu, hélas. Et ce qui peut se comprendre pour des enfants (ils apprennent à lire) devient triste pour les adultes. Mais ce n’est pas la littérature jeunesse qui a créé cet état de fait. Bien au contraire, il y a une frange de résistance très intéressante en littérature jeunesse, qui propose des textes beaucoup plus exigeants que les Levy et compagnie. Certes les textes de Bosco devraient sans doute être retravaillés, car le style a « vieilli » (eh oui on est soumis, lorsqu’on désire publier, « aux mouvements littéraires » de son temps, comme à toute époque, hélas), mais ils seraient acceptés par un éditeur, j’en suis persuadée. Un éditeur comme Gallimard, peut-être, ou Le Rouergue, je crois, laisserait même le texte en état (certains éditeurs restent intelligents). Je ne suis pas sûre que Proust, aujourd’hui, serait accepté en littérature générale, cependant.
Il ne faut pas se tromper de cible, et ne pas frapper sur la littérature jeunesse, qui à mon sens est encore une bulle de fraîcheur de qualité, mais s’inquiéter sur ce qui est vraiment inquiétant : une société peu culturelle, et peu exigeante sur la culture qui reste (et dont une partie de la littérature jeunesse se fait malheureusement le reflet).
J’ajouterais que la littérature pour ados est beaucoup plus libre. Je parviens à y garder mon style, et je me régale à y laisser (suivant les éditeurs) mes phrases « alambiquées » et même parfois quelques points-virgules ! Pour les plus petits, c’est vrai que les éditeurs sont souvent très pointilleux pour aller vers toujours plus de simplicité, mais j’ai été instit, et je comprends ce choix, et je l’accepte, car je sais combien un enfant qui bute sur des mots peut abandonner très vite sa lecture. Mais je suis très remontée lorsque je vois qu’on leur propose parfois des textes gnangnans et carrément indigents. Ceux-là existent, hélas, et il faut savoir faire le tri.