Quelle image de lui-même renvoie-t-on à l’auteur de romans pour la jeunesse ?…

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Les premiers intéressés, les enfants et les ados, n’attendent que des bonnes histoires. Ils ne diront jamais « c’est bien écrit » mais « c’est trop génial ». Les enfants se moqueront bien de l’auteur qui est derrière ce bon moment de lecture. Ils se ficheront bien de son nom ou de ce à quoi il ressemble. Et je trouve ça très sain ! Les ados, c’est différent. Si vous les charmez avec une histoire, ils peuvent être d’une fidélité touchante et vous écrire des phrases comme « vous avez changé ma vie ». Ils vous demanderont pourquoi vous ne passez jamais à la télé ni dans les journaux, et vous ne saurez pas quoi répondre (votre humilité vous poussera à penser que c’est parce que vous n’êtes pas assez connu voire pas assez talentueux, et vous serez ainsi déjà tombé dans le piège du miroir tendu).

Les parents (en tout cas ceux qui montrent de l’intérêt pour ce que lit leur progéniture) se divisent en deux catégories très nettes : ceux qui considèrent les romans jeunesse comme de la littérature, et ceux qui pensent qu’il s’agit d’un médicament. Les premiers, on les adore, ils sont souvent passionnants et intéressants quand on tombe sur eux dans les salons du livre, sauf cette sous-catégorie redoutable : ceux-qui-ne-jurent-que-par-les-classiques. Ces derniers regarderont vos couvertures colorées avec mépris, vos histoires contemporaines avec dégout. Ils auront une lueur d’intérêt dans le regard pour les auteurs qui publient aussi en litté générale – ceux-là, peut-être qu’ils écrivent aussi de bons romans jeunesse, à moins que ce ne soit qu’alimentaire ? Mais rien n’est pire que les parents qui attendent qu’on les aide dans l’éducation de leur enfant. Ils demanderont au libraire l’album pour aider leur bébé à aller sur le pot, puis le roman qui aidera leur enfant à aimer l’école, et finiront effrayés lorsque leur rejeton choisira lui-même des romans sans aucune valeur pédagogique, voire pire : qui présentent un reflet réaliste ou critique du monde. L’auteur jeunesse sera alors la personne à abattre, cet individu maléfique qui montre des tout-nus dans les albums, qui parle de sexualité aux ados, voire – horreur – d’homosexualité -, d’amour, de violence ou de cruauté, avec un angle toujours réfléchi pourtant. On risquerait de leur donner de mauvaises idées, à ces adorables enfants connectés sans fin aux réseaux sociaux – dont les parents en questions ne surveilleront jamais le contenu sauvage et très peu réfléchi celui-là, très étrangement confiants, soudain.

Les médias, eux, n’attendent strictement rien des auteurs jeunesse. Et d’abord quels auteurs jeunesse ? Et quels romans jeunesse ? Ca existe, ça, en-dehors des cartons anglophones adaptés au cinoche ? Cependant ils adoreront se lamenter devant les statistiques d’enfants et d’ados non-lecteurs. Ils se délecteront aussi des polémiques du genre « sur le genre », sans jamais donner la parole aux auteurs (qui ça ?), mais à moult psychologues, pédiatres, bref ces vrais professionnels qui savent de quoi ils parlent. Eux. Les médias, monstrueuses machines à non-lecteurs, ne questionnent jamais leur propre rôle dévastateur, à force de silence et de désintérêt et de méconnaissance…

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Les organisateurs de salons du livre offrent de multiples expériences, très variées. Lorsqu’il s’agit de salons uniquement « jeunesse », c’est souvent un véritable bonheur, on est même gênés, parfois, par tant d’admiration dans le regard de certains bibliothécaires, documentalistes, libraires ou enseignants… spécialisés dans la littérature jeunesse (cette secte méconnue). Lorsque le salon est généraliste, on retombe sur terre. Tout est pensé pour que les auteurs jeunesse ne se mélangent pas aux auteurs « pour adultes ». Prendre le risque que nous, la plèbe, on prenne le petit-déj avec les demi-dieux de la littérature ? Quelle erreur d’étiquette cela serait ! Et puis bon, puisqu’on a l’occasion de faire des économies avec des auteurs (?) qui ne se prennent pas pour des stars, pourquoi se priver ? Donc, les auteurs « pour adultes » dans l’hôtel huppé, et les auteurs jeunesse dans la gamme en-dessous (soyons honnête, on s’en fiche vraiment, parce qu’on est bien reçus quand même, mais c’est la différence de traitement constante qui finit par choquer). Bah, de toute façon, à quoi devrait-on s’attendre quand les auteurs « pour adultes » vont faire leurs dédicaces dans l’espace « littérature », et les nôtres dans l’espace « jeunesse », puisque sans doute on a aussi voulu faire des économies de marqueurs, et qu’accoler le mot littérature au mot jeunesse aurait été superflu, voire mensonger. Après tout, est-ce qu’on ne fait pas nos dédicaces à côté de « livres » en mousse ou en peluche qui font « coin-coin » quand on appuie dessus ? Il ne manquerait plus qu’on ait des prétentions, après, nous dont les ventes de livres font invariablement le gros des recettes de ce genre de salons ? Ce serait d’un vulgaire.

Les libraires sont tous différents. Parfois on tombe sur de vrais amoureux de la littérature jeunesse, et ils sont fantastiques. Ils lisent presque tout, font partager leurs coups de coeur, orientent les clients. Et d’autres fois on tombe sur de simples commerciaux, qui n’ont jamais lu un roman pour enfants ou ados et n’y voient qu’un produit qui peut faire recette (lorsqu’il répond bien aux codes en vigueur sur le moment), bien mieux qu’un roman « pour adultes », même nobellisé. Attendez-vous alors à ce que votre roman côtoie des poneys roses à paillettes en vitrine.

Ainsi donc nous vivons de nombreuses situations où nous sommes davantage considérés comme des concepteurs de produits (comme si on fabriquait du vin ou des bijoux fantaisie), que comme de vrais écrivains (qui, eux, font de l’art et de purs joyaux).

Mais il y a une situation édifiante où on nous assure que nous sommes des écrivains qui faisons de l’art, du vrai. C’est lorsque nous tentons de négocier un contrat auprès d’un éditeur (j’aimerais ne pas faire de généralités car j’adore les éditeurs avec lesquels je travaille, mais ils appliquent -sont soumis à une telle pression qu’ils sont forcés d’appliquer ?- comme tous les autres cette espèce de plafond de verre sous lequel se débattent leurs auteurs). Soudain nous redevenons cet artiste (on adore d’ailleurs ton dernier synopsis, absolument génial) qui vit d’amour et d’eau fraîche, c’est bien connu, surtout en France où nous aimons les images d’Epinal, et s’il veut plus d’argent il n’a qu’à travailler à côté (mais par contre les délais de fabrication et de promo sont si tendus qu’il nous faut ta dernière version de plusieurs centaines de milliers de signes pour avant-hier, quel que soit ton emploi du temps, cher auteur, et si t’as un boulot à côté tu n’as qu’à ne pas dormir… ou laisser ta place à un autre auteur moins occupé car plus riche que toi – mieux né ou mieux marié, donc). Perturbés et bêtement flattés par ce revirement de situation et de statut, de façon aussi subite, nous mettons longtemps à réclamer alors autant de droits d’auteurs que les écrivains « pour adultes » puisque nous faisons partie du même monde qu’eux, celui des vrais artistes, si on a bien compris, et aucune raison qu’on vive de plus ou moins d’amour ou  de  plus ou moins d’eau fraîche suivant l’âge de nos lecteurs. On a bien compris ? En réalité, on n’a jamais bien compris, quand on est auteur de romans jeunesse.

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Et on ne va pas tarder à finir schizophrène quand on nous fait entendre que, non, faut pas exagérer, quand même, nous on n’écrit que pour les Mickeys, donc hé, ho, de l’art ? La bonne blague ! (Pour qui tu te prends ?) Hop, ni vu ni connu, on est à nouveau des concepteurs de produits soumis à la dure loi du marché, et il faut bien comprendre, puisque tout est devenu si cher, tout est si tendu, qu’il faut bien faire vivre tous les acteurs de la chaîne du « produit », ces pauvres gens qui travaillent si dur et ont des enfants à nourrir… sauf l’individu à la base du concept et qui l’a développé, bizarrement, c’est à dire toi, le fabricant français de romans jeunesse, dont la première qualité doit être l’humilité et l’abnégation face à ton art… heu, ton produit. Quoi ? Tu es déjà bien perdu, l’auteur ? C’est loin d’être fini, pourtant.

On nous rétorque souvent : de quoi vous plaignez-vous ? Vous, auteurs jeunesse, vous bénéficiez de rencontres dans les classes rémunérées, et souvent bien rémunérées. C’est vrai. Tout à fait exact. C’est même pour cette raison qu’on se déplace autant, si loin, si souvent, et avec l’immense joie de rencontrer nos lecteurs (ça, c’est si tu n’as pas un boulot trop prenant à côté, cher auteur). C’est vrai qu’on est nantis à ce niveau-là. Et on voit des organisateurs de ces déplacements se débattre avec une énergie admirable pour récolter fonds, subventions, quelque argent de ci, de là, afin que la littérature jeunesse entre dans les écoles, et que les gamins en entendent enfin parler, puisque les médias sont si muets. Parfois les meilleurs éditeurs leur donnent un coup de pouce, en payant le trajet de l’auteur, par exemple. Mais pourquoi l’effort si grand vient des organisateurs de ces rencontres ? Je préfèrerais être payée moins pour ces rencontres et voir mes droits d’auteur augmenter de quelques points. Ce serait plus juste, pour tout le monde.

C’est parce que l’on voit l’énergie déployée par ces organisateurs qu’on est si émus lorsqu’ils organisent un prix. Qu’est-ce qu’on gagne ? Des dessins d’enfants, le plus souvent. Peu sont dotés et lorsqu’ils le sont ça n’a pas de commune mesure avec les prix « pour adultes ». Mais on est fiers quand même, et touchés, car on voit tout ce qu’il y a derrière. Et on a appris l’humilité. Et l’abnégation, n’oublions pas.

Sans cesse balloté entre flatteries et mini-humiliations, l’auteur jeunesse, en France, ne sait pas qui il est et donc ne sait pas quoi réclamer pour lui-même. Artiste ou tâcheron ? L’un et l’autre, l’un puis l’autre, ou l’un sans l’autre, suivant ce que l’on veut obtenir de lui.

Mais ce qui me chagrine le plus dans ce constat, c’est qu’il est révélateur de la façon dont on considère la jeunesse dans notre pays. Une frange de la population dont politiques et médias se désintéressent, hormis lorsqu’il s’agit de taper sur les doigts ou remettre sur le « droit chemin ». Proposer aux jeunes à la télévision une vraie émission de littérature, rien que pour eux, ou faire entrer quelques auteurs jeunesse dans La Grande Librairie ou autre émission généraliste ? Hors de question. On préfère parler aux jeunes de blockbusters ou de jeux vidéos. On préfère croire qu’ils ne s’intéressent qu’à ça. Et on finit par ne leur proposer plus que ça, ne laissant une chance qu’aux enfants les mieux accompagnés (un joli meilleur des mondes).

Ensuite, nous nous moquerons de leur inculture.

NB (plusieurs mois après l’écriture de cet article) : Hasard heureux ? En décembre 2015 une émission de La Grande Librairie a été consacrée à la littérature dite jeunesse… Et j’en fus l’une des invitées. Enfin le changement en marche ?

Lire aussi : ce que démontre la sincérité.

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62 Commentaires
  • Marie
    24 août 2015

    Bravo pour cet article qui décrit exactement la même problématique que rencontrent les illustrateurs jeunesse (nous sommes mon mari et moi illustrateurs documentaires ) en ce qui concerne la reconnaissance et les droits d’auteur! Un pourcentage complètement dérisoire alors que nous sommes à la base de l’achat d’un livre illustré (si les dessins sont mauvais qui aurait envie d’acheter le livre?) face à tous les intermédiaires qui eux, touchent , je ne dirais pas le pactole, mais beaucoup plus que ceux qui en sont les auteurs… Et encore, il faut s’estimer heureux de recevoir ces droits car certaines maisons d’édition n’en distribuent pas (sic)! A quand une loi qui régirait d’une manière juste et impartiale tout cela?

  • Et aussi, quand on suppose que vous allez faire une intervention scolaire à l’oeil, juste pour le plaisir de faire connaître votre travail et le bonheur de vendre en plus 2 ou 3 livres (soit une fortuuune en droit d’auteur!). Ca vaut les frais d’essence, dîtes- donc, j’ai bien fait de venir!!XD XD
    Sérieusement, comment vous leur faîtes comprendre gentiment que ça va pas être possible dans ces conditions?

    • FH
      31 mai 2015

      Il suffit d’adhérer à la Charte des auteurs jeunesse, et dire que ceux qui l’ont fondé se sont battus pour que les rencontres soient rémunérées et que si on apprécie votre travail, il faut respecter les droits de l’auteur que vous êtes. Et surtout, surtout, ne pas accepter ces rencontres non rémunérées (sauf pour raison humanitaire).

  • entrelespages
    28 mai 2015

    Merci pour ce très beau texte! Je suis grande lectrice, blogueuse et très adepte des romans pour la jeunesse. Je suis très attachée à certains chefs d’œuvre et aussi un peu plus triste chaque jour pour ceux qui la boude. Une fois, j’ai demandé à La grande librairie, sur facebook, pourquoi il n’y avait jamais d’auteurs jeunesse invités et si cela était envisageable ? J’ai vu mon commentaire être tout simplement supprimé…

  • robert
    14 mai 2015

    C’est tres juste. Et c’est d’autant plus etonnant que la litterature jeunesse se porte bien, meme en France, en terme de ventes. Les editeurs devraient s’en souvenir et convenir que parfois c’est un livre pour enfants qui les a sauves de la banqueroute. C’etait d’ailleurs la meme chose avec les romans policiers. Au RU, les auteurs comme A, Christie etait reveres et pris au serieux. En France…
    Les choses changent un peu et avec un peu de chance continueront a changer en mieux.

  • morantguy
    9 mai 2015

    Bonjour Florence,
    Je découvre ce billet et votre blog par l’intermédiaire d’un partage sur Facebook. Je suis un enseignant et un auteur de jeunesse auto-édité, ce qui me place dans une catégorie encore plus honnie que celle d’auteur de jeunesse édité.
    Merci pour cet excellent article. Je crois, hélas, que vous avez raison quant à la façon dont on considère la jeunesse dans notre pays. La littérature de jeunesse est révélatrice de ce rapport extrêmement ambivalent que les Français entretiennent avec l’enfance et l’adolescence. Le résultat est que nos enfants sont devenus des consommateurs de produits commerciaux fabriqués à l’étranger et que la production française (ou étrangère) de qualité ne les atteint que difficilement. Effectivement, nous nous moquerons de leur inculture.

  • Juliette
    7 mai 2015

    Génial. Vous savez frapper là où ça fait mal.
    J’avais déjà conscience de la « démarcation » (je ne sais pas comment dire …) entre la littérature jeunesse et l’adulte mais alors pas à ce point!!
    Ca mérite un partage!!

  • Emmanuelle
    6 mai 2015

    C’est un article vraiment passionnant, agréable à lire et qui montre bien ce que l’on perçoit aujourd’hui de la littérature jeunesse et de ses auteurs.

  • cyru
    4 mai 2015

    Merci Florence pour cette très belle lettre, je la transmets à Brouillons de Culture… pour que les bénévoles qui s’impliquent dans le salon jeunesse et le Gayant jeunesse se rejouissennt du ressenti de leur action Merci

  • Éric Denniel
    3 mai 2015

    Réponse à 110 livres :
    Écrire à François Busnel pour lui demander de faire une émission sur la littérature Jeunesse ? Vous avez donc oublié les positions méprisantes de cet individu sur le sujet. Son ignorance n’avait rien à envier aux analyses outrancières de Jean-François Coppé.
    Quand deux pauvres pantins réactionnaires veulent se mêler de l’éducation des enfants, je n’ai qu’un seul espoir : c’est qu’ils n’en aient pas. Ce qui est probable, vu la stérilité de leurs raisonnements.
    Que ces gens-là, et tous les autres dont on parle plus haut, méprisent les auteurs et tous les défenseurs de la littérature jeunesse (bibliothécaires, instituteurs, libraires, éditeurs, parents et tous les autres prescripteurs) est un fait : ils agressent des personnes adultes qui ont des arguments pour leur répondre. Mais qu’ils émettent un jugement sur une littérature dont ils ignorent tout et qu’ils se permettent de légiférer sur une littérature qui propose aux enfants de grandir, c’est grotesque.
    J’ai été libraire jeunesse pendant 15 ans, je suis éditeur jeunesse depuis 2 ans.
    Au pays de Jean d’Ormesson et Paul-Lou Sulitzer, pour être considéré, il faut écrire des romans ; pas des nouvelles, pas des Mickeys, des ROMANS. Sinon : axiste pas.
    Finissons sur une note optimiste. Quand on voit les photos des auteurs de littérature dite sérieuse pour la rentrée de septembre, ils font tous la gueule. Personnellement, ça ne me donne pas envie d’ouvrir leur chef d’œuvre. Mais quand vous voyez un auteur jeunesse, en peinture ou pour de vrai, c’est le contraire. C’est jubilatoire. On en oublie un instant que Paris a donné un nom de rond point à un marchand d’armes, et que Roald Dahl n’y a même pas une impasse.
    Merci Florence, et bravo pour votre article.

    Éric

    • FH
      4 mai 2015

      Merci, Eric. Je sais aussi ce mépris de Busnel et cie. Mais j’ai un optimisme qui me fait encore y croire (et sourire sur les photos !).

  • Cindy Van Wilder
    3 mai 2015

    « Mais ce qui me chagrine le plus dans ce constat, c’est qu’il est révélateur de la façon dont on considère la jeunesse dans notre pays. Une frange de la population dont politiques et médias se désintéressent, hormis lorsqu’il s’agit de taper sur les doigts ou remettre sur le « droit chemin ». Proposer aux jeunes à la télévision une vraie émission de littérature, rien que pour eux, ou faire entrer quelques auteurs jeunesse dans La Grande Librairie ou autre émission généraliste ? Hors de question. On préfère parler aux jeunes de blockbusters ou de jeux vidéos. On préfère croire qu’ils ne s’intéressent qu’à ça. Et on finit par ne leur proposer plus que ça, ne laissant une chance qu’aux enfants les mieux accompagnés (un joli meilleur des mondes). »

    > Je suis entièrement d’accord. Une des facettes de cet étrange paradoxe qui veut que la littérature jeunesse & ados vende de plus en plus, mais qu’on en parle de moins en moins (au moins au niveau francophone, car les productions anglophones, elles, ne souffrent pas de cette forme de censure).
    Merci de cet article et je suis ravie de découvrir ton blog (si tu m’autorises le tutoiement )

  • bladelor
    1 mai 2015

    Je vais de ce pas partager votre article qui reflète ce que je ressens en tant que lectrice adulte passionnée par la littérature de jeunesse. Lorsque je cherche à partager autour de moi des coups de cœur, je ressens souvent le mépris caché pour cette « sous-littérature » et cela m’indigne au plus haut point.

  • juliet595
    1 mai 2015

    C’est très juste ce que vous dites. J’ai 17 ans, j’adore vraiment lire depuis que je suis petite, mais je déteste les émissions littéraires : elles ne parlent que de la dernière sortie « si sophistiquée », « si intéressante ». Ce serait bien qu’ils parlent des livres imaginaires, ceux qui ne sont pas intéressants pour eux mais qui sont importants pour nous ! Et, pour parler franchement, faudrait aussi qu’ils se décoincent un peu, même s’ils faisaient une émission sur un livre jeunesse, ce serait soit triste à pleurer, soit nunuche à mourir.

    • FH
      1 mai 2015

      Ah, génial, ton avis de jeune lectrice, Juliette !

    • FH
      2 mai 2015

      J’aimerais quand même ajouter, chère Juliette, que la littérature jeunesse recèle des trésors qui ne relèvent pas de la littérature dite « imaginaire ». Le plus connu et le dernier en date étant Nos étoiles contraires !

      • juliet595
        2 mai 2015

        Pas faux, l’imaginaire c’est ma préférence à moi 🙂

  • Cecile
    1 mai 2015

    Très bon article, très juste… évidemment je me sens autant concernée qu’impliquée.
    En ce moment, j’abandonne peu à peu mon « autre » métier pour me consacrer à l’écriture et j’entends souvent cette phrase quand un de mes livres de littérature jeunesse vient de sortir : « C’est bien, mais quand est-ce que tu vas te décider à écrire de « vrais » livres »… je ne réponds rien, reste humble, donc, au creux de cette case floue où l’on nous place… ces gens-là ne lisent pas mes livres, comment sauraient-ils qu’ils sont « vrais » ?
    Je me sens écrivain, je me dis écrivain, je m’assume en tant qu’écrivain. J’écris de la littérature… on la dit jeunesse… je ne pense pas « jeunesse » en écrivant…
    Dans un petit salon, j’ai rencontré sur le stand de la libraire qui m’avait invitée un grand ponte de la littérature générale, médiatisé, photographié, traduit en X langues, etc, etc. Nous avons sympathisé et avons découvert que nous allions signer quelques semaines plus tard dans le même gros salon très en vue. Il me dit : « Vous viendrez me voir ? »… je lui réponds : Nous ne serons pas tout à fait sur le même palier… vous en haut, moi en bas… » La date de ce salon arrive, je viens sur le stand un peu avant l’heure de début de dédicace pour saluer le libraire et m’installer, quand quelqu’un me touche l’épaule en me lançant un sonore : « Bonjour Cécile ! »… C’est le « grand écrivain »… il ajoute : « un salon, vous savez, c’est horizontal, pour moi, il n’y a pas de paliers ! »
    Conclusion : parfois, c’est aussi dans notre tête que les étages existent.

    • FH
      1 mai 2015

      Oui mais je n’ai pas non plus dit qu’ils dressaient des murs hérissés de barbelés entre espaces jeunesse et « vieillesse », et bien entendu, heureusement on a le droit de se parler. Je n’ai pas non plus dit que les auteurs de littérature générale étaient des ours mal léchés qui nous méprisaient, et je ne les méprise pas non plus, bien sûr ! Au contraire. Et le combat que nous menons est le même, pour les uns et les autres. Restons solidaires. J’ai eu plusieurs réactions de ce type, alors que je ne parlais que de différences de traitement, merci donc de ne pas déformer mes propos.

      • Cecile
        1 mai 2015

        Pardonnez-moi, je ne voulais pas déformer vos propos… absolument pas, mais seulement dire qu’entre ces « paliers » qui existent, j’en suis convaincue comme vous, il arrive que nous nous rejoignions et que la main tendue vienne parfois de celui du dessus… inattendue !

        • FH
          1 mai 2015

          C’est moi qui m’excuse, j’ai été un peu abrupte, et je comprends ce que vous voulez dire. Mais si les auteurs jeunesse sont si étonnés qu’un auteur « pour adultes » leur adresse la parole (vous n’êtes pas seule), ça en dit long sur leur propre estime d’eux-mêmes. Et c’est d’abord cette barrière, en nous-mêmes, à briser. De plus beaucoup d’auteurs écrivent aussi bien pour jeunes que pour adultes !

          • Anne Percin
            1 mai 2015

            Hey, cette discussion devient un vrai forum 🙂 Tout à fait d’accord, encore une fois, et l’exemple cité ne prouve qu’une choe : il n’y a pas de barrière profondément entre écrivains, je ne le crois pas. D’autant plus que beaucoup écrivent dans plusieurs registres et pour plusieurs lectorats (j’en suis) ! En salon, il est rare de rencontrer des cuistres qui vous ignorent ostensiblement juste parce que vous « êtes en jeunesse » (ou alors ce sont d’indécrottables crétins puants, et votre étiquette « jeunesse » n’est qu’un prétexte à leur mépris généralisé).
            Il est en revanche anomal et injuste (au sens propre) que les auteurs qui écrivent pour la jeunesse n’aient pas :
            1- le même salaire que les autres (7% en moyenne de DA contre 10% et plus) – sous prétexte que leurs livres sont plus courts (c’est souvent faux) ou « moins exigeants à écrire » (pour ne pas dire « débiles ») – dans ce cas, indexons le pourcentage sur le nombre de signes/livre, ce sera déjà un progrès.
            2- le droit à une reconnaissance sociale et médiatique qui est réservée aux « autres écrivains »
            3- le droit à des prix littéraires prestigieux pour leur oeuvre (parce que Marie-Aude Murail mérite autant le Nobel de littérature française que P-p-p-patrick Modiano, mais c’est mon avis..)

          • FH
            1 mai 2015

            Anne, je suis en-tiè-re-ment d’accord avec toi !

          • Anne Percin
            1 mai 2015

            Même au sujet du match Murail≠Modiano ? wow. 😀 je croyais que j’allais me faire lyncher

          • FH
            1 mai 2015

            Bon, d’accord, c’est un peu osé 😉 Mais je me suis tellement régalée en lisant les romans de Murail !

          • Anne Percin
            1 mai 2015

            MA-Murail, 86 romans dont 3 pour adultes. Des thèses sur elle à la pelle, depuis les années 80. Aucun prix national. Aucune apparition télé. P.Modiano 28 roman+ 3 en jeunesse, prix Goncourt, Prix Nobel, Chavalier de la Légion d’Honneur, abonné à la télé de Apostrophe à La Grande Récré (euh,la Grande Libré). Y’a comme une inégalité, et qu’on vienne pas me dire que l’un est plus « profond » que l’autre parce que c’est pas vrai ! A moins qu’on parle de la profondeur du nombril ? Mouarf #plafonddeverre

          • FH
            1 mai 2015

            YES !

  • juliette MAES
    30 avril 2015

    chère Florence je découvre votre article par le biais de Patrice Favaro. Vous imaginez combien il est difficile pour nous au bout du monde de créer un évènement autour du livre jeunesse ! car pour nos institutions, comme partout ailleurs ! on parle d’argent avant de parler de littérature ! la destruction de sites culturels provoque l’indignation collective mais financer une opération LITTERATURE JEUNESSE, ah! là cela devient plus concret . CHARLIE tu nous manques !
    inviter un auteur c’est d’abord un billet d’avion à partir de 2.300 euros et plus si saison haute ! vous avez pu vivre les réalités du terrain avec votre prix LMA.
    Notre association LIRE EN CALEDONIE après avoir été membre fondateur du Prix de Littérature Jeunesse en N.C organise avec la médiathèque municipale Rivière Salée Ville de Nouméa et la Maison du Livre N.C, en Juin le 1er Festival du livre jeunesse L’ÎLE Ô LIVRES , Alleluia …lire c’est L.Ô.L ! budget de misère à côté du salon littérature générale SILO, mais c’est enfin l’aboutissement d’un long long chemin, comme les croyants sur le Compostelle, notre quête de 25 ans pour la promotion de la littérature jeunesse.

    alors comme m’écrivait Philippe Lechermeier, invité dans une école « j’ai croisé des enseignants heureux qui avec des bric et des broc ont su créer l’école du bonheur ». avec L.Ô.L ce sera une joyeuse fête du Livre Jeunesse avec pour première approche « l’illustration ». Au pays de l’oralité, avec la devise institutionnelle TERRE DE PAROLES TERRE DE PARTAGE, notre festival va partager les mots, les images et aller au devant d’un public différent.

    alors soyez remerciés, vous les AUTEURES et AUTEURS, vous qui nous offrez vos histoires, vos enfants de papier qui deviennent nos amis, ILLUSTRATRICES et ILLUSTRATEURS de génie, vous qui nous faites rêver, sourire, pleurer, crier ! grâce à vous, la vie est plus belle !*notre cri de guerre LOLItoooou ! grâce à vous, soyez les chevaliers de l’impossible, les médecins de l’âme, les artistes qui illuminent un instant de notre vie et celle de nos petits d’homme !

    alors et même si vous pensez que le livre jeunesse n’est pas un médicament, qu’importe ! si grâce à vous l’enfant s’endort rassuré en serrant le livre dans ses doigts, ou lorsqu’il évacue ses peurs, ses angoisses, grâce à vos récits . Oui, pour moi, c’est un excellent remède et la littérature jeunesse est la pillule du bonheur, elle aide à grandir, à me découvrir pour s’ouvrir au monde.

    Du bout du monde, je vous envoie mes amitiés les plus sincères et toute mon admiration.
    JULIETTE ASSOCIATION LIRE EN CALEDONIE
    Lire c’est L.Ô.L !

    • FH
      1 mai 2015

      Merci infiniment chère Juliette pour ce très beau message du bout du monde (bout de monde dont je garde un souvenir émerveillé !). Dans le sens que vous dites oui on veut bien être des médecins ! Je vous souhaite tout plein de courage et encore une tonne d’énergie pour votre action. Au final, si on a tous tant de mal à se révolter face au traitement fait à tout ce qui touche à la jeunesse, c’est qu’on sait très exactement pourquoi on le fait, et que ça nous rend heureux. Mais ne tombons pas dans le piège du bonheur :-), et continuons le combat pour la jeunesse !

  • AF
    30 avril 2015

    Merci, à Florence et à tous les commentateurs, pour ces retours d’expérience. En tant que lectrice de tous genres adorant la littérature jeunesse et la SFFF, et étant également bibliothécaire-psychopathe-devant-les-auteurs-de-jeunesse, je peux aisément voir, malheureusement, l’autre pan de cette sous-médiatisation de vos oeuvres : on ne trouve rien, hormis les trucs (peut-on toujours appeler ça des livres) qui se vendent et feront le buzz. Je ne dis pas que c’est forcément pourri (j’ai dévoré Hunger Games ! ), mais les éditeurs semblent vouloir exploiter à outrance la manne qui a marché et semblent frileux à l’idée de se renouveler.
    Mais j’espère que vous continuerez à écrire, à hurler pour faire entendre vos voix, tous les auteurs, quelques soient le genre. Et à nous, lecteurs et autres fourmis du milieu du livre, de continuer à vous aider à transmettre vos textes et votre voix autour de nous…

  • 110livres
    30 avril 2015

    Merci pour cet article.
    C’est amusant, en février j’ai envoyé une lettre à François Busnel pour lui demander s’il était possible de faire une émission rien qu’avec des auteurs et des illustrateurs jeunesse dans l’année. Avant Noel ou avant les grandes vacances ( pour que les enfants partent avec plein de livres dans leurs valises, plutôt que cette émission pour les adultes, ou des auteurs viennent nous parler des classiques à lire pendant l’été). Pas une réponse. Même pas un mail. Rien du tout. Du coup je me disais que j’étais la seule à souhaiter que la littérature jeunesse soit mise en avant dans les médias autrement que lors d’un buzz médiatique débile. Alors ça me rassure de voir que je ne suis pas la seule.
    Dans la vie je suis libraire, et je me suis spécialisée en jeunesse. C’est marrant mais à l’IUT j’étais regardé souvent comme une débile au début de l’année, parce que moi je m’intéressais aux auteurs pour les moins de 16 ans, que je pouvais sauter de joie à la sortie d’un album pour les 3-6 ans, et que je défendais cette littérature lors de mes exposés, dossiers etc… Certaines ont changés d’avis sur la littérature jeunesse, d’autres non.
    Aujourd’hui, que je dis que je suis spécialisée jeunesse, certains libraires (et quelque soit leur âge) me regardent avec condescendance. « Mon Dieu la pauvre elle vends du T’Choupi! » Et du coup il m’arrive parfois de ne pas le dire. (En plus je ne suis pas dans une librairie spécialisée jeunesse, mais dans une grande surface culturelle dont je tairais le nom. Double tare!!) Pourtant j’adore ce que je fais. J’adore quand un gamin qui ne lis pas accroche finalement à un roman ou une série qui je lui ai conseillé. J’adore voir des enfants partir avec des livres autrement plus intéressants que des romans sans auteurs de licence, avec des livres qui leur donneront envie de lire au lieu de regarder la télé.
    J’adore mon rayon coloré et bigarré. Je m’en fiche de savoir à quoi ressemble l’auteur, quel âge il a, s’il est marié et où il vit. Ce que je veux c’est voyager. Me remettre dans la peau de la lectrice que j’étais il y a 15-20 ans, et me laisser porter par une histoire, m’attacher à des personnages. Et pour ça j’ai besoin des auteurs jeunesses.

    Alors merci à vous tous. Et continuons ensembles la lutte pour faire reconnaître la littérature jeunesse à sa juste valeur.

    Comme je disais dans ma lettre à François Busnel, pour avoir des passionnés de lecture adultes qui adorent votre émission, il faut les habituer très jeunes à lire des livres passionnants! La littérature jeunesse est l’avenir de la littérature adulte.

    • FH
      30 avril 2015

      Bravo pour votre lettre à François Busnel ! Il faudrait qu’on lui en écrive d’autres et encore d’autres 😉

    • lectriceencampagne
      24 août 2015

      Je trouve tout très intéressant dans ce que je lis ici, et n’ai rien à rajouter ( j’étais bibliothécaire volontaire en zone rurale 12 ans durant et j’adore la littérature jeunesse, enfin pour moi surtout les albums et livres pour bébés ) Nolivres, voici une lettre d’Alain Serres adressée à Môssieu Busnel, où tu verras qu’il n’est guère étonnant de la’absence de réponse de sa part à ton courrier.
      la_lettre_ouverte-3pages rue du monde

      • sanchan
        25 août 2015

        Merci pour cette info que je ne connaissais pas. Je trouve absurde d’être à ce point raciste d’un genre littéraire. Surtout quand il peut amener un maximum de jeunes à lire ensuite des classiques.

  • Maxime Duranté
    30 avril 2015

    Salut =)

    Je ne connaissais pas ton blog et je suis tombé dessus par hasard, au détour de, euh… je ne sais plus en fait ; je crois que je me suis perdu sur Facebook ^^ Je me présente vite fait -et uniquement parce que ça a un intérêt pour la suite du message- j’écris de la Fantasy et j’ai fondé un comité d’écrivains indépendants SFF qui s’appelle l’Attelage. D’ailleurs je dis SFF mais on est ouverts à tous les genres ; c’est juste qu’on doit avoir la gale ou chaipakoi, personne d’autre ne nous aborde 😉

    Le roman jeunesse, donc ! Oui, en effet, je me rends bien compte que c’est assez rageant de n’avoir pour tout public enthousiaste que ceux pour qui vous écrivez effectivement, à savoir des jeunes qui n’ont malheureusement pas encore la capacité de vous défendre efficacement et d’agir avec des moyens concrets.

    Je me suis beaucoup retrouvé dans le portrait que vous faites de la littérature jeunesse -alors même que je ne considère pas mes écrits comme étant à la portée d’un ado de moins de 16-17 ans, en raison de la langue utilisée- et je me permets donc d’enchaîner sur ce que je connais, c’est-à-dire la condition de l’écrivain de Fantasy moyen en France.

    A bien des égards les maux sont les mêmes, c’est-à-dire que la plupart des éditeurs ne considèrent le roman de Fantasy que comme un produit à élaborer en suivant la tendance du moment. Pour donner un exemple, j’avais entamé une commande d’un éditeur particulièrement exécrable -dont je tairai le nom- avec pour toute consigne « casez des loups garous, des vampires, et des sorcières blanches qui semblent méchantes. Mais en fait non, elles le sont pas. » Ce même éditeur a tenté, très maladroitement, de me voler une traduction que j’avais effectuée d’un de leurs romans du Français vers l’Anglais.

    Rrrou, rrou, fait le pigeon.

    Là où une distinction doit être effectuée cependant, c’est que vous écrivez en général de la fiction qui se déroule bel et bien dans notre monde, même si vous y ajoutez parfois une pincée de fantaisie. En France, la littérature standard est un dictateur nombriliste des plus intransigeants, et vous pouvez donc considérer que, si les auteurs jeunesses sont effectivement parqués dans des enclos pailletés, les auteurs de SFF sont tout simplement ignorés comme s’ils n’existaient pas. Un fait d’autant plus rageant quand on sait que le niveau de langue moyen d’une œuvre de SFF bien construite dépasse sans mal le roman de gare typique, auquel on prête aisément le qualificatif « littérature » pourtant.

    Seulement voilà, la SFF est devenue un produit de consommation courante, au même titre que les romans érotiques. Il est impossible de se démarquer auprès d’un éditeur, tant les copies carbones des grands succès comme Twilight -lequel a lancé la mode de la Bit Lit, qui nous a été grandement préjudiciable- ou Harry Potter. Voire un mix des deux, tiens, pourquoi pas mettre des vampires dans une école spécialisée afin de… ah non, c’est déjà devenu un genre et il y a des milliers de manuscrits médiocres qui se disputent l’attention de l’éditeur. Vous voulez faire quelque chose de réfléchi et d’original ? Encore faudra-t-il que votre manuscrit soit lu. Oui oui, on vous répond sans gêne que ben, vous comprenez, y’a tellement de manuscrits qu’on a effectué une première sélection via votre résumé. Vous n’avez pas été retenu, nous n’avons pas de conseil à vous donner. Merci au revoir !

    Du vécu ! Moi qui croyais que le résumé de la quatrième de couv’ incombait aux commerciaux œuvrant chez l’éditeur. J’ai été bien berné ! Efficacité, capitalisation sur les grandes tendances du moment, pas plus de 100 000 mots sinon le manuscrit n’est même pas lu. 100 000 mots, ça paraît beaucoup, mais quand vous avez un univers fictif sur lequel vous avez passé plusieurs années ça part vite en descriptions !

    Mais bon ça encore, c’est rien. Je me suis dit que j’allais faire ma tambouille dans mon coin avec d’autres chiens errants rejetés par le système -hé oui, les éditeurs français font davantage confiance aux traductions issues du marché américain qu’à leur propre vivier présent sur place- histoire de montrer aux gens qu’on peut faire de la Fantasy de qualité. Vous savez, celle qui se donne la peine d’effectuer des recherches lexicales et techniques, qui s’emmerde à créer des personnages cohérents et une intrigue allant au-delà de « SEIGNEUR DU MAL VEUT DETRUIRE LE MONDE VITE TROUVONS LE HEROS DE LA PROPHETIE ». Mais là encore, c’était sans compter la réception du public.

    Parce que le public potentiel de la SFF, bah c’est des cons, hein. Et je dis pas que ceux qui lisent de la SFF sont des cons, je dis plutôt que les gens à qui ce genre peut s’adresser sont immodérément obtus. Vous écrivez pour des jeunes qui ont encore au moins une once de curiosité, et si on regarde bien, on voit que l’offre « concurrente » de la littérature jeunesse ce sont les dessins animés et les séries pour jeunes. Or la qualité des dessins animés s’est réellement dégradée, et c’est un gamin né en 91 qui parle, tandis que les séries pour jeunes ne m’avaient déjà pas emballé quand j’étais petit ; tout laisse à penser que l’évolution n’a pas dû être bien meilleure. Dans l’ensemble, j’ai envie de dire que le plus gros obstacle, c’est effectivement l’opposition parentale. Encore que je conçoive mal le fait qu’un parent puisse déconsidérer la lecture, peu importe la forme qu’elle revêt, à son enfant. Mais vous l’avez avancé et vous en avez eu l’expérience, donc aussi stupide et déprimant puisse-t-il paraître, je valide cet obstacle.

    Cela posé, les auteurs de SFF ont à lutter, de leur côté, avec :

    – Game of Thrones, auquel on a rajouté du cul et amputé de pas mal de sous-intrigues pour favoriser l’audimat
    – Star Wars, qui revient en force avec l’épisode VII. Lui, il va faire mal.
    – Le Labyrinthe/Divergente/The Hunger Games, toutes ces dystopies qui fonctionnent sur le même levier et dont on peut deviner le twist à des kilomètres -oooh, mais en fait ils étaient méchannnnts-
    – Toute la tripotée de titres qu’on siphonne de l’œuvre de Tolkien, que personne n’a lue d’ailleurs sinon ils se rendraient compte des trous béants qui existent dans l’adaptation cinématographique.

    Et là, j’ai pas envie de dire que je trouve ces films « mauvais », parce que j’aime un bon divertissement où j’ai pas trop à me torturer les neurones. J’ai adoré Pacific Rim par exemple, qui est au summum du genre bourrin grand spectacle américain. Par ailleurs, l’adaptation de Game of Thrones en série est quand même pas si mal foutue que ça… Le problème, c’est que les gens ne VEULENT PLUS LIRE. Ils préfèrent se débrancher le cerveau plutôt que de devoir fouiller dans une marée de titres SFF qui tiennent plus du doppelgänger que de la création littéraire. Ils préfèrent faire confiance aux filons qui marchent déjà et qui sont surexploités par les grandes firmes de production.

    On peut pas vraiment leur donner tort : ici aussi la couverture médiatique est inexistante et on est considérés avec dédain. La seule différence que je vois, c’est qu’on vous perçoit comme des écrivains inférieurs. Nous, on n’est juste personne. x)

    • FH
      30 avril 2015

      Merci pour ce témoignage, et je suis de tout coeur avec vous (d’autant que j’écris de la SF d’anticipation, mais en littérature jeunesse ce qu’il y a de génial c’est que tous les genres sont considérés et appréciés de la même façon – au moins un avantage !).

  • Anna de Sandre
    30 avril 2015

    Bravo pour cet article ô combien justement argumenté.

  • Francesco Pittau
    30 avril 2015

    Très justement vu. Combien de fois ne me suis-je pas énervé… quand, dans un salon, on nous proposait la pizzeria (aux « jeunesses ») alors qu’on emmenait les « adultes » dans un restaurant convenable. Parfois, on a tort d’être sympas.

  • Mag à l'eau
    29 avril 2015

    Je suis née en 1965. En matière de livres jeunesse je n’ai connu que les contes, la bibliothèque rose puis la bibliothèque verte et quelques BD. Ensuite (à partir de 10-11 ans je dirais) j’ai lu des classiques, des nouveautés, des livres un peu underground, d’autres très à la mode. Mais en aucun cas de la littérature pour adolescents.
    Et puis, il y a quelque temps, passant par hasard dans le rayon ado (il n’est pas nommé comme ça) de la médiathèque, mon regard a été attiré par le titre d’un roman et sa lecture fut un très grand plaisir. Pourquoi cet ouvrage est-il destiné aux ados ? pourquoi y a-t-il des collections spéciales pour les ados ? Ça me dépasse, je n’en comprends pas la raison.

  • Caro
    29 avril 2015

    super article ! chercher la reconnaissance dans les yeux de certains de tes compères est le meilleur moyen de te perdre . Selon moi la seule estime qui puisse compter et celle de tes lecteurs. Le principe d’une émission littéraire pour la jeunesse manque réellement au paysage audiovisuel , pourquoi pas en présenter le projet ??

    • FH
      30 avril 2015

      C’est drôle mais quand un autre corps de métier (ouvriers, profs ou autres) réclame davantage de dignité et de justice, on ne répond jamais qu’ils feraient mieux de se calmer car ils risquent de se perdre en cherchant la reconnaissance dans les yeux des autres. L’auteur jeunesse doit être humble, dans l’abnégation mais en plus tout subir et accepter en toute sagesse ! 😉

      • Framboisine
        30 avril 2015

        Au risque de passer pour une attardée (oui, les adultes qui lisent de la littérature de jeunesse, surtout pour autre chose que les sacro-saintes pédagogie et éducation, ça fait tout de suite régressif et immature), j’ai 28 ans, et j’ai pleuré pour « Théa pour l’éternité ».
        Voili voilou

        • FH
          30 avril 2015

          Oh merci Framboisine ! (moi aussi je suis ce genre d’attardée qui adore lire la littérature jeunesse :-))

  • Bravo pour cet article qui reflète mon combat quotidien pour que la littéraire jeunesse soit considérée à sa juste valeur, car elle en a beaucoup et une belle en plus !

  • Stéphanie
    29 avril 2015

    Comme je suis d’accord Florence ! Et je me demande où passe donc tout l’argent généré par les ventes du secteur jeunesse qui est le seul bien portant de l’édition paraît-il ! Et quand j’ai regardé les subventions (aiguillée par Sophie Dieuaide qui m’a soufflée d’aller jeter un oeil) données par le CNL aux salon généralistes en comparaison aux salons de jeunesse ! bouh !! Nous sommes fous d’avoir envie d’organiser ce genre d’événement, mais nous savons que c’est essentiel pour les enfants, et en plus nous nous faisons plaisir ! 😉 merci pour cet article !

    • FH
      29 avril 2015

      Chère Stéphanie, sans des personnes comme vous, que deviendrait la littérature jeunesse ? un très grand merci (et à tout bientôt ;-))

  • Christine Palluy
    29 avril 2015

    Ton article est tellement juste et bien vu… Bravo Florence !

    • FH
      29 avril 2015

      Merci et coucou à toi, Christine !

  • emmanuelle
    29 avril 2015

    Tres bel article. Petite question : l’image de la femme en armure sur un cheval, c’est quel film ?

    • FH
      29 avril 2015

      Toutes les images viennent de Blanche-Neige (je sais plus le titre exact de celui-ci).

  • Anne Percin
    29 avril 2015

    C’est bougrement et entièrement et évidemment vrai ! Mais tu n’évoques pas la posture dite du « cul-entre-deux-chaises » de l’auteur jeunesse-et-vieillesse, que l’on oblige sans cesse à faire le choix de Sophie (« je vous mets en jeunesse donc j’ai pas commandé vos livres adultes, okay ? »/ « Vous serez en générale, vous voulez vraiment qu’on présente vos livres pour enfants ? » (comme si c’était des livres de bain en mousse))…

    • FH
      29 avril 2015

      Ah, oui ! Merci Anne pour ce retour d’expérience lui aussi édifiant !

  • Olivier
    29 avril 2015

    Tout à fait d’accord avec vous!
    Cependant, attention à ne pas tomber dans le piège de la généralisation qui consiste à dire « tous les jeux vidéos sont de grosses productions américaines abrutissantes », car c’est bien évidemment faux. Il y a, dans l’art du jeu vidéo, autant de diversité que dans la littérature, et il existe beaucoup de jeux très intelligemment pensés, qui de plus possèdent un univers original loin des clichés « pan pan vroum vroum », et qui sont visuellement de vraies perles. Je pense qu’il est tout à fait possible de concilier lecture et jeux vidéos. En conclusion, vous auriez dû dire (selon moi) : « On préfère parler aux jeunes de blockbusters cinématographiques ou vidéo-ludiques » car tous les jeux vidéos ne sont pas tous des blockbusters à plusieurs centaines de millions de dollars. Il existe ce qu’on appelle une scène indépendante qui se rapproche de l’artisanat, et que je vous incite à découvrir 🙂 Et j’imagine que les développeurs de jeux vidéos ont exactement le même problème de reconnaissance que vous lorsqu’ils développent un jeu qui sort des carcans « pan pan vroum vroum » 😉

    • FH
      29 avril 2015

      Exact, merci pour cette précision, d’autant plus que j’ai découvert un très beau jeu, via mon fils : Journey. Magnifique.

  • Claire Bertholet
    29 avril 2015

    Bravo, Florence, et merci pour cet article !

  • Agnès Marot
    29 avril 2015

    Un très bel article, très juste ! Merci 🙂

  • Nathan
    29 avril 2015

    Un article si admirable et bien écrit que je ne trouve pas d’autres mots pour le qualifier, alors je vais me contenter d’un modeste partage !