Comme toujours, j’ai été éclectique ces derniers temps.
Comment ai-je pu attendre aussi longtemps avant de vous parler de ma lecture de L’attrape-coeurs de Salinger, lu en septembre dernier ?
Qu’en dire sinon que Holden Caufield m’a touchée au coeur ? Le talent de Salinger réside dans les silences et les non-dits, d’après moi… La force du récit à la première personne : quand le lecteur comprend le narrateur avant lui-même (bref, quand l’auteur maîtrise son sujet).
Et puis des phrases-pépites souvent drôles telles que : « Les gens qui pleurent à s’en fondre les yeux en regardant un film à la guimauve, neuf fois sur dix ils ont pas de cœur. »
J’ai enchaîné avec Soumission, de Houellebecq.
Difficile de mener une lecture avec un tel malaise chevillé au coeur, mais il est nécessaire de lire les mots de personnages si éloignés de soi-même. Je m’en fiche bien de savoir si le narrateur est proche de l’auteur, même et surtout s’il est veule, sexiste, opportuniste… comme il existe bien des êtres humains. Importance de ne pas l’oublier, et Houellebecq est l’écrivain idéal pour cela. Et avec de tels individus, la montée de tous les extrémismes est possible. La voie est même royale. Houellebecq moraliste, au bout du compte ?
Je fus obligée, oui obligée ensuite de choisir une lecture très légère : Cool sweet hot love, de Erin McCahan.
Et contre toute attente je fus cueillie par une fin très émouvante, profonde et fine. Un roman au démarrage lent, mais pour installer une profondeur inattendue.
J’ai poursuivi avec un cadeau des éditions Nathan, Juste une étincelle, via l’ami Thomas Scotto qui me fit une pré-dédicace, nouveau concept (merci !) :
Jolie lecture sensible, une écriture à la plume poétique, et là aussi je fus joliment surprise par la fin. Un personnage d’ado d’aujourd’hui très crédible… et en même temps un regard de l’auteur, sur la vie de ce genre d’ado, presque cynique (à moins que ce ne soit mon seul regard à moi ? Il faudra que j’en parle à Thomas !).
Après une très belle rencontre avec Anne-Laure Bondoux, j’ai décidé de lire d’autres de ses romans (j’avais déjà adoré il y a plusieurs années Les larmes de l’assassin, roman qui m’avait impressionnée par sa maîtrise et sa beauté). J’ai commencé par celui-ci, L’autre moitié de moi-même :
Roman sur l’écriture, sur ce qu’est l’écriture, pourquoi on écrit, pourquoi on n’écrit plus et sur la vie bien sûr… Bref si les mécanismes de l’écriture vous intéressent un peu, si vous êtes convaincus que l’écriture c’est la vie, vous ne pourrez qu’être touché par ce texte.
Puis, j’ai ressenti le besoin et le désir de me perdre à nouveau dans la nouvelle La bibliothèque de Babel, de Jorge Luis Borges, et ce fut une véritable errance (en lecture à voix haute à mon cher et tendre qui sombrait dans les labyrinthes de ses songes, je vous conseille l’expérience) :
Et enfin je vous parlerai pour finir d’un film et non d’un livre mais d’un film tiré d’un livre, dont le DVD m’appela la semaine dernière lors d’une visite à la médiathèque, sans doute parce que j’avais parlé de Steinbeck peu de temps avant, avec V.
Film vu en famille, et j’en suis heureuse pour tout le monde. On a raison de dire que c’est un chef d’oeuvre, c’est même une claque monumentale : Les raisins de la colère, de John Ford, bien entendu tiré du roman de Steinbeck.
Ah, le regard d’Henri Fonda ! Magnificence du noir et blanc, de l’absence totale de musique, et donc de la force du silence, mais aussi des nombreux rires dans le drame. Le personnage de la mère est peut-être le plus beau…
Et puis, comment ne pas faire le parallèle avec la situation des migrants d’aujourd’hui ? Histoire tristement actuelle, tristement redondante…
« Les gens s’en viennent armés d’épuisettes pour pêcher les pommes de terre dans la rivière, et les gardes les repoussent ; ils s’amènent dans de vieilles guimbardes pour tâcher de ramasser quelques oranges, mais on les a arrosées de pétrole. Alors ils restent plantés là et regardent flotter les pommes de terre au fil du courant; ils écoutent les hurlements des porcs qu’on saigne dans un fossé et qu’on recouvre de chaux vive, regardent les montagnes d’oranges peu à peu se transformer en bouillie fétide ; et la consternation se lit dans les regards, et la colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim. Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines. »
victor
1 novembre 2015Un sacré mois de lecture ! Thomas Scotto m’intéresse beaucoup, il faudrait que je teste un de ces quatre… J’ai moi aussi rencontrer Anne-Laure Bondoux (Le Livre Sur La Place est décidément rempli de belles rencontres). C’est une personne très intéressante dont je vous lire beaucoup de roman à l’avenir. Je vous coneille d’ailleurs Pépites et La Vie Comme Elle Vient.