Et voilà qu’au beau milieu d’un pique-nique avec des amis, lors d’une éclaircie un rayon de soleil inondant de lumière un muret me fait penser au petit pan de mur jaune de Vermeer et de Proust. Voilà qui est ennuyeux en pleine discussion. Que faire alors ? Dire : vous ne devinerez jamais à quoi je pense en ce moment ? Et expliquer le pourquoi du comment. Ou bien ne rien dire. Et se raccrocher au plus vite au fil de la discussion ? Souvent je n’ai pas le temps de choisir. C’est qu’il faudrait y réfléchir. Alors c’est presque toujours la seconde option : je ne dis rien, et je poursuis une conversation tout autre. De toute façon cela se passe dans une autre strate de la vie. C’est dommage, peut-être, de ne pas partager ce genre de pensée. Mais peut-être pas, aussi. Ce sont les différents plis de chaque moment, aux épaisseurs de mille-feuilles.

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C’est dans La prisonnière, de Proust : aux portes de la mort, l’écrivain Bergotte rassemble ses forces et se rend sur les lieux d’une exposition des toiles de Vermeer à Paris, dont La vue de Delft.

Enfin il fut devant le Ver Meer qu’il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu’il connaissait, mais où, grâce à l’article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. (…) C’est ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune.

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