Le point de départ de l’Anomalie est réjouissant parce qu’il nous met face à ce qu’on a tous ressenti avec cette crise du Covid : finalement, tout peut arriver, n’est-ce pas ? Même le pire ou le plus incroyable ? Et nos dirigeants peuvent être aussi perdus que nous face à ce type d’imprévus ? Comme tout plein de spécialistes ? Et on peut nous cacher une partie de la réalité dans les médias ? Et face à l’incompréhensible se déchaînent les pires extrémistes ? C’est cette prise de conscience vertigineuse qui permet à L’anomalie d’entrer en écho avec l’une de nos peurs les plus actuelles depuis un certain mois de mars 2020 : l’impression de ne rien maîtriser.

Cette lecture m’a procurée quelques moments de jouissance, surtout quand l’auteur joue avec cette réalité qui est la nôtre. Notamment les discussions en haut lieu sont souvent savoureuses… Ces moments très appréciables sont assez rares dans mes lectures ces temps-ci pour justifier de dire du bien de ce roman. Néanmoins, le principe est si enthousiasmant et audacieux que, sans doute, on s’attend à davantage, le restant du temps.

J’aurais peut-être aimé des personnages un peu moins stéréotypés, et puis passer moins de temps avec eux avant la révélation de l’anomalie, et plus de temps après. C’est peut-être mon regard d’autrice jeunesse qui m’amène à cet avis : on est habitués, quand on écrit pour les jeunes, à plonger assez vite nos lecteurs et lectrices dans le coeur du problème, et à en tricoter puis détricoter tous les aspects, quasiment jusqu’à épuisement des questions. Ici, l’auteur s’attache plus aux conséquences philosophiques ou religieuses de l’anomalie qu’aux résolutions dans la vie de tous les personnages, et aux conséquences dans la société dans son ensemble. Finalement l’auteur nous abandonne exactement au moment où l’on se sent dans la vraie vie : au milieu de rien ou presque, sans explication, sans résolution, sans assurance pour l’avenir… et même sans fin. Les dernières pages du roman sont en cela amusantes/glaçantes/dérangeantes. Et hop, ça recommence comme un reconfinement qu’on n’arrivait pas à envisager…

Au final j’ai lu ce roman comme une variation de ce que l’on vit depuis un an, maline et clairvoyante, mais il m’a manqué peut-être un peu de chair, et de lien/jeu avec le roman dans le roman. Je suis néanmoins heureuse que ce roman ait été couronné par le Goncourt, car cela ouvre enfin la porte à des romans qui jouent davantage avec la réalité que ceux primés auparavant. Or l’imaginaire est nécessaire à la littérature, aujourd’hui peut-être encore davantage qu’hier, puisque le réel nous échappe…

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