Je suis à Hong-Kong, à Beyrouth, au Chili, je suis en Catalogne et en Irak. Je suis en France. Je croise les gilets jaunes subsistant sur le rond-point près de chez moi et je côtoie les enseignant·es au bord du suicide. Je suis dans les hôpitaux prêts à craquer, dans les prisons, dans les maisons de retraite, dans les maternités et les cabinets gynécologiques. Je suis dans les foyers violents, dans les rues où les gens sont expulsés, dans les commissariats débordés. Dans les PMI et les centres d’appel. Je suis dans les abattoirs d’animaux et dans les colloques de défense de la planète. Je suis dans les champs et dans les fermes. Dans les barres d’HLM et dans les quartiers cossus. Sur des bateaux où on risque sa vie pour ne pas la perdre. J’ai faim ou je m’affame. Je me régale ou je vomis. Je respire les gaz lacrymogènes et les pesticides. Je me promène dans des lieux superbes. Je médite sur la muraille de Chine ou au sommet de l’Everest. Je suis pour les besoins d’un livre en Suisse, à Washington, à Bagdad, à Paris, à Berlin ou à Londres, je balaie l’histoire du XXe siècle. Je comprends encore moins le XXIe. Je suis homme ou je suis femme. Je suis garçon ou fille. Je suis jeune ou je suis vieille. J’ai toutes les sexualités possibles. Je porte tous les vêtements du monde. Je suis valide et handicapée. Je pratique toutes les religions. Je suis opprimée ou bourreau. Victime ou oppresseuse. Je suis mal payée, je suis maltraitée, puis à mon tour je paye mal et je maltraite. Je rêve de gloire et d’anonymat. D’héroïsme et de confort. Je suis dans ma cuisine à cuisiner, j’aide mon fils à faire ses devoirs, je parle et je vois mes ami·es, je fais mes courses. Je perds mon temps sur le net. Je me préoccupe de fiscalité et de littérature. J’essaie de mener une vie ordinaire et simple et cohérente. J’échoue la plupart du temps. L’équilibre est une illusion. Le chaos est mon foyer.
Je suis écrivaine.
Ou peut-être juste une (être) humaine.

Barcelone, octobre. Où les smartphones jouent le rôle de témoins, de lampes, de flammes et d’alertes.

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2 Commentaires
  • Michèle Bayar
    1 novembre 2019

    Chère Florence,
    Quel bel article ! Je suis heureuse de m’être inscrite à ta newsletter 🙂