Le monde du Net, si l’on se laisse y porter par les mauvaises portes, est pour le moins déconcertant. Je laisse très rarement des commentaires sur d’autres blogs, non par indifférence ou parce que je n’en lis pas (j’insiste sur le fait qu’il en existe de très bons, certes rares mais ils existent), mais parce que je n’en ressens pas le besoin. Si je le fais, c’est par amitié envers des personnes que j’apprécie. Et même dans ce cas-là on peut soudain se retrouver pris et emprisonné dans les mailles et les fils de l’araignée.
Ce matin, j’ai essayé, pour saluer et remercier une collègue auteure venue nous voir, nous autres auteurs, ce week-end à Lille.
Je clique donc, pleine d’entrain, sur Commentaires. Une petite minute à consacrer à quelqu’un de sympathique, c’est la moindre des choses. Comment pouvais-je deviner que par ce clic j’ouvrais une boîte de Pandore ?
Je suis en effet cueillie d’entrée par cette phrase suspicieuse :
Veuillez prouver que vous n’êtes pas un robot.
Je dois tenter de recopier des caractères parfaitement illisibles, et sans aucun sens. Si je dois prouver que je suis un être humain, pourquoi ne me fait-on pas réciter une phrase de Proust ou Flaubert, pour le moins, plutôt que recopier eefsg, PrlOu5j ? Non, prouver que l’on est humain, sur le Net, c’est recopier les lettres que crachent une machine. Je m’y prends par trois fois.
Une fois que j’ai passé cette épreuve, je claviarde mon gentil commentaire empli d’amitié, puis il faut que je choisisse entre :
Compte Google ou Open Id ?
Hum.
Le mot open me séduit. Allons-y.
Le menu déroulant me propose plusieurs entrées qui ne me disent rien, sauf WordPress qui me parle vu que j’ai créé mon blog avec.
WP, donc.
Je tape l’adresse de mon site.
Réponse lapidaire (la machine est lapidaire, généralement, bien que rarement ciseleuse de pierres précieuses) :
OpenId non valide.
Crotte, pourtant j’ai bien tapé la bonne adresse de mon blog WP. Je recommence.
Veuillez prouver que vous n’êtes pas un robot.
Je prouve (encore par 3 fois), que je suis une humaine assez stupide pour recopier par 3 fois une suite de lettres incohérente.
Je réécris mon message (plus court et, malgré moi, un peu moins chaleureux que la première fois).
Compte Google ou Open Id ?
Open Id
WP
adresse de mon blog
OpenId non valide.
5 minutes sont déjà passées, alors que j’ai plein de boulot. Mais je reste zen. Rester zen est une loi pour rester en bonne santé. Je veux rester en bonne santé.
Veuillez prouver que vous n’êtes pas un robot.
C’est devenu une affaire personnelle.
La machine ne me vaincra pas.
Je refais toute la procédure. Elle échoue.
Veuillez prouver que vous n’êtes pas un robot.
Tu veux que je te prouve ça, hein ? Tu veux vraiment ? Tu vas voir ce que tu vas voir.
plousUt loPim67.
Ca c’est de la répartie, isn’t it ? (Pour info à qui me l’a demandé récemment, je ne me mets à baragouiner anglais que lorsque le monde soudain me paraît vaciller)
Je retape mon message, légèrement sec soudain, malgré toute la bienveillance que je garde pour la blogueuse.
CompteGoogle ou OpenId ?
Au bout du 3e échec, je tente compte Google, m’avisant que l’on me demande une adresse gmail que ô joie je possède. Avec cette adresse seule, ce sera sans doute simple et rapide.
Possédez-vous un compte Google + ? Sinon, créez-en un.
Je n’ai aucune envie ni aucun besoin de posséder un compte Google +, mais je clique sur
Créer un compte Google +
Et là, le désespoir me gagne.
La quantité d’informations demandées approche les cent cinquante bon poids, et comprend ce genre d’entrée :
« Ecrivez ici ce dont vous pouvez vous vanter (diplômes, etc…) ».
La machine a intégré une chose : l’être humain a besoin d’exister dans ses tuyaux (ses mailles, ses filets, ses fils, sa toile). Elle en joue de façon perverse, n’hésitant pas à encourager nos pires défauts. Vantons-nous, au mépris de toute valeur. De toute pudeur. Vomissons ce que l’on aimerait paraître.
Il faudrait que je déroule mon CV depuis ma plus tendre enfance, et que j’indique où j’habite, ce que j’ai mangé ce matin et quelle phrase je viens de prononcer au dernier humain que je viens de rencontrer (rencontres et paroles qui risquent de s’avérer rares si je poursuis dans cette voie, mais rappelez-vous, il me faut vaincre la machine – défi personnel).
Je n’indique rien durant des pages et des pages que je déroule, et, miracle, ça passe. La machine, bienveillante, tolérante, ne s’offusque pas que je ne lui réponde pas. Je me prends à l’estimer d’être si conciliante et compréhensive. A moins qu’elle ne s’en moque ? Que je n’existe pas pour elle ? Que je ne sois rien ? Rien de rien ?
On me demande d’inviter des contacts. Je n’en indique pas.
Vous devez vous sentir bien seul. Ne désirez-vous vraiment pas inviter des contacts ?
Grand Dieu ! La machine soudain pense à moi ! S’inquiète de moi. Comment a-t-elle deviné ma soudaine et toute neuve solitude ? J’hésite à revenir en arrière, inviter deux ou trois personnes pour la rassurer sur mon compte. Mais je secoue la tête et reprends mes esprits. En effet, seul n’a pas de e, c’était un piège. La fourbe.
Je continue mes clics, au bord de la crise de nerfs.
Commentaire validé
(Soulagement infini. Félicité. Volupté. Temps perdu. Vacuité. Dépression)
En relisant mon commentaire, je le trouve un brin agacé.
J’espère, Blandine, que tu n’en prendras pas ombrage.
Mais j’espère surtout que tu ne m’en voudras pas non plus si ce premier commentaire sur ton blog risque fort d’être aussi le dernier.
jphh8m, d’accord ?
Florence Hinckel, auteur jeunesse
Pascale
29 mai 2012Houla, j’apprécie d’autant plus alors les petits commentaires que tu laisses parfois sur le mien. Merci en tout cas de me montrer que je ne suis pas seule à ne pas savoir lire ces fouillis de lettres/chiffres à recopier.
florence
30 mai 2012Et en plus tes commentaires sont faciles d’accès, ouf !
@ Blandine : ne m’en veux pas, hein, rien contre toi tu l’auras bien compris, et j’ai moi-même galéré avant de trouver un hébergeur convivial. Le Net est une jungle, mais c’est loin d’être le plus important.
florence
29 mai 2012Peux pas te répondre. Epuisée 🙂
Gaël
29 mai 2012Tes malheurs m’auront au moins fait rire. J’ai rencontré si souvent ce problème que j’ai presque abandonné les commentaires sur les blogs d’amis. D’ailleurs parfois j’ai dû abandonner à défaut d’avoir trouvé comment me faire comprendre par la machine. Ton blog (Ben oui c’est WP comme le mien) est un peu plus souple alors je m’y risque. Et j’en profite pour te dire que ton séjour à Lille a l’air d’avoir été aussi chouette que le mien à Villeneuve. Vive les salons!