16 décembre 1910 : Je ne quitterai plus ce journal. C’est là qu’il me faut être tenace, car je ne puis l’être que là. Comme j’aimerais expliquer le sentiment de bonheur qui m’habite de temps à autre, maintenant par exemple. C’est véritablement quelque chose de mousseux qui me remplit entièrement de tressaillements légers et agréables, et me persuade que je suis doué de capacités dont je peux à tout instant, et même maintenant, me convaincre en toute certitude qu’elles n’existent pas.

 

29 septembre 1911 : Journal de Goethe. Une personne qui ne tient pas de journal est dans une position fausse à l’égard du journal d’un autre. S’il lit, dans le Journal de Goethe par exemple :  » 11.1.1797. – Passé toute la journée chez moi à prendre diverses dispositions », il lui semble qu’il ne lui est encore jamais arrivé de faire aussi peu de choses dans une journée.

Le monde prodigieux que j’ai dans la tête. Mais comment me libérer et le libérer sans me déchirer. Et plutôt mille fois être déchiré que le retenir en moi ou l’enterrer. 21 juin 1913.

Un collier de petites boules d’or sur un cou bruni. 3 juillet 1913.

Observé, hier. La situation qui me convient le mieux : écouter la conversation de deux personnes en train de discuter une affaire qui les touche de près, tandis que je n’y prends qu’une part très lointaine, absolument désintéressée par surcroît. 22 octobre 1913.

 


Dans une cour violemment éclairée par le soleil, deux chiens venant de directions opposées couraient à la rencontre l’un de l’autre. 18 novembre 1913.

 

J’étais assis chez Weltsch dans un fauteuil à bascule, nous parlions du désordre de notre vie, lui malgré tout avec une certaine confiance. « Il faut vouloir l’impossible ! ». Moi, sans même avoir cela, dans le sentiment d’être le délégué de mon vide intérieur, qui est exclusif et pas même exagérément grand. 16 décembre 1913.

 

La silhouette d’un homme qui, les bras à moitié levés dans un geste asymétrique, se tourne vers le brouillard total pour s’y engager. 17 décembre 1913.

 

La jeune fille au café. Sa jupe étroite, sa blouse de soie blanche, vague et garnie de fourrure, son cou nu, son chapeau gris de même étoffe qui lui emboîte la tête. Visage plein qui rit et qui respire éternellement, regard bienveillant quoiqu’un peu affecté. 12 janvier 1914.

 

Violente averse. Mets-toi face à la pluie, laisse ses rayons de fer te pénétrer, glisse dans l’eau qui veut t’emporter, mais ne bouge pas, reste droit et attends le soleil qui va couler à flots, subitement et sans fin. 27 mai 1914.

F.K.

 

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