Nouvelle rubrique de ce blog, mais je ne m’engage pas à une régularité de métronome ! 

Misère à Marseille

Ces derniers jours, c’est d’abord l’effondrement de 3 immeubles dans le quartier de Noailles, à Marseille, qui m’a bouleversée, d’autant plus que la maman d’un élève d’une excellente amie à moi y a péri.

Elle a fait appel aux réseaux sociaux et… un petit miracle

A lire aussi ce dossier dans Libé, triste et le plus souvent assez juste, sur Marseille. 
J’y ai vécu et enseigné pendant 10 ans, ce qui m’a valu un apprentissage accéléré de la misère, la corruption, le parcours du combattant pour promener la poussette de mes enfants, le mépris des édiles, le manque d’Atsem et de moyens, la détresse et la dignité des familles de nos plus pauvres élèves, habillés en hiver comme en été. Les noms que je vois passer, notamment de la chargée des écoles, sont les mêmes qu’il y a 15 ans, et cela a un côté désespérant. Dans ces écoles, en revanche j’y ai connu les meilleurs (à vrai dire en totalité meilleurEs) instits rencontrées au cours de ma carrière, les plus militantes, les plus généreuses et les plus courageuses. Alors que moi j’ai quitté le bateau, épuisée par l’impuissance et le mépris, elles sont toujours là, droites, dignes, fortes, dans des écoles aux murs fissurés, décrépis, à porter secours aux plus démunis, oubliés par leur propre ville. C’était grâce à de telles personnes, et uniquement grâce à elles, que Marseille tenait debout tant bien que mal depuis des années. Aujourd’hui, on voit bien que leur courage ne suffit plus, et que ce qu’on leur laissait porter tout en les méprisouillant gentiment (il fallait voir l’infantilisation et le paternalisme avec lequel on nous parlait) est bien trop lourd.
Après la tristesse vient la colère. Et du coup la seule faiblesse de ce dossier de Libé prend une importance impardonnable : brandir la verve pagnolesque de Gaudin, qui dans les écoles n’a jamais amusé aucune instit, aucune directrice, alors que le journaliste en parle comme d’une carte postale qui aurait eu valeur d’excuse jusque-là ; laisser dire à un sociologue-anthropologue visiblement et prioritairement très soucieux de l’image de la ville où il prend le soleil quelques mois par an que la situation des logements sociaux n’est pas pire qu’ailleurs, que l’aspect République bananière n’est qu’un cliché, que dans les autres grandes villes c’est pareil (avec force chiffres quand on sait comment et combien ils sont déformés à Marseille), le laisser occulter la situation des écoles alors que dans toutes les écoles de France que j’ai arpentées jamais je n’en ai vu dans un état aussi pitoyable et dangereux qu’à Marseille, c’est plus qu’énervant. Marseille serait surtout victime de son image exotique ? Non mais… Sérieusement ?? Est-ce que les journalistes et intellos parisiens pourraient enfin s’extraire de la séduction méditerranéenne pour parler vrai et taper fort sans atténuation, surtout après un tel drame ?…

Suggestion aux journalistes : lisez et interrogez plutôt dans vos colonnes Philippe Pujol, auteur de La fabrique du monstre, qui dresse le constat alarmant de la corruption à Marseille.

Le système, c’est le vent, on ne le voit jamais. On voit les branches qui remuent, les tourbillons de feuilles, mais on ne voit pas le vent. 

Des prix littéraires très… uniformes

Ce qui m’a aussi fait bondir c’est le manque criant d’autrices cette année dans les grands prix littéraires, encore moins que les années précédentes, ce qui sonne comme un ressac revanchard suite à la prise de conscience féministe post-Weinstein… Mais peut-être que je me trompe, comme d’hab, hein, et que cette année les écrivaines ont vraiment été nulles. Puisque ce n’est pas mesurable et que c’est l’écueil perpétuel contre quoi on ne peut pas grand-chose, ne pourrait-on pas commencer par instaurer une parité au sein des jurys ? Les rajeunir, aussi ? Ca changerait déjà bien des choses. Je me vois obligée, comme à chaque fois, d’ajouter que ça ne signifie pas que les bouquins des hommes sélectionnés ou primés ne sont pas super bons, excellents, et ne méritent pas ce qui leur arrive. Et d’ailleurs je les lis et j’en parle. Mais je l’ajoute pour être claire et franchement, c’est énervant de devoir le faire.
Les articles qui font écho à tout ça : 
France Culture : https://www.franceculture.fr/…/prix-litteraires-cest-le-mal…
Le Monde : https://www.lemonde.fr/…/prix-litteraires-toujours-aussi-pe…

Si vous n’avez pas de pain, mangez de la brioche

J’ai aussi un tout petit peu bondi quand même suite à l’intervention d’une éditrice connue sur France Inter, quand on l’interroge sur la situation des auteurs et autrices et sur #payetonauteur, qui, comment dire, manque singulièrement d’empathie, de mise en perspective et de réflexion sur la surproduction et ce qui fait mal à toute la chaîne du livre. Nous sommes nombreux parmi les auteurs et autrices à avoir dit ces derniers mois qu’on comprenait bien la précarité des moyens et petits éditeurs, mais elle brandit cette réalité comme un argument choc qui devrait nous réduire au silence. Nous sommes nombreux à avoir analysé la surproduction qui fait mal à tout le monde mais elle accuse les auteurs et autrices de « moins vendre de livres qu’avant », donc on ne va pas se plaindre de ce dont on serait responsables, n’est-ce pas ? La ligue des auteurs et autrices, heureusement, a réagi. Plus personne dans la chaîne du livre ne peut afficher une telle méconnaissance de ce qui nous nuit à tous, c’est une légèreté mortifère pour la chaîne entière, et pour la survie de la culture. C’est vraiment dommage au moment où le dialogue s’ouvre entre éditeurs, éditrices et auteurs, autrices. Bon, passons, et discutons avec et écoutons plutôt les éditeurs et éditrices respectueux et à l’écoute, il y en a heureusement.
https://www.livreshebdo.fr/…/la-ligue-des-auteurs-professio…

Lanceuse d’alerte

Je découvre Cathy O’Neil, mathématicienne, data scientist et lanceuse d’alertes. Je suis d’accord avec tout ce qu’elle dit ici : https://www.lemonde.fr/…/cathy-o-neil-les-algorithmes-exace…

Voilà, bon week-end !

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