L’un des marronniers de décembre sur les blogs des auteurs jeunesse c’est : LE compte rendu du salon du livre jeunesse de Montreuil (si on y est allé, ce qui n’est pas du tout une obligation, surtout quand on n’est pas Parisien).

Montreuil, ça a encore lieu aujourd’hui, mais comme je suis rentrée hier, je prends de l’avance.

(Petite grande parenthèse avant de commencer, c’est la collision entre deux mondes, remarquée avec l’amie Pascale Maret : une allée séparait les joyeux gamins se rendant dans l’antre du salon avec des promesses de livres, en ressortant avec des sacs de livres, et, de l’autre côté d’un grillage, d’autres gamins jouant joyeusement car on joue toujours joyeusement, mais sans livre, pour cette raison qu’ils vivaient dans un squat dressé là de bric et de broc, de tôle et de carton, de couvertures et de planches de bois, sous nos yeux d’auteurs jeunesse ébahis. La seule différence visible entre ces deux sortes de minots, à toute première vue, c’était la facture de leurs anoraks, gris et élimés d’un côté, colorés de l’autre. Puis le pas mesuré des uns, et la course des autres, sans doute pour se réchauffer. D’un côté comme de l’autre, quasiment aucun regard dans le miroir.

Et désir d’entendre ça :

AVANT NOUS

Avant nous
l’eau ne se tarissait pas
le feu ne s’éteignait pas
le vent chérissait les feuillages

Avant nous
la terre était enceinte
personne n’osait toucher ses entrailles
ni la rosée
ni la fourmi

Avant nous
les bêtes sauvages étaient apaisées
et impassibles
les arbres se réjouissaient de l’arrivée des oiseaux
les branches fleuries accueillaient les nids
les poissons vivaient dans une harmonie

Avant nous
le vent riait depuis les hauteurs
l’eau chuchotait dans les profondeurs
le feu crépitait dans les songes

Avant nous
ni

Avant nous
ni tombe
ni maison

Rajko Djurić, Bi kheresqo bi limoresqo, version transcrite dans  Zigeunerische Elegien, 1989.
Traduit du romani par Jean-René Lassalle en recoupant différentes traductions avec le texte original.

Quand même bien que ce salon du livre jeunesse se situe dans ce quartier-là, car de nombreux minots qui n’y seraient jamais allés, peuvent ainsi s’y rendre (gratuit pour eux, même si les livres ne le sont pas)…) Parenthèse fermée, bien qu’en suspens là-bas, béante.

Sinon…

Un grand merci à tous ceux qui sont venus faire signer Théa ou Ligne 15 ou Le Chat Pitre (pour la majeure partie c’étaient ces livres-là). Il faut que vous sachiez, ô béotiens qui jamais n’êtes venus au salon de Montreuil, que nombre de jeunes lectrices et lecteurs viennent avec un chariot comme ceux avec lesquels on fait les courses, sauf que, eux, ils le remplissent de bouquins ! Ils ont un planning réglé à la minute près, comme celui de Tom, que j’ai enfin pu rencontrer avec grand plaisir (je confirme, il a bien 15 ans et pas une ride !), venu faire signer Théa. C’était surtout pour Nathan son frère jumeau, venu un petit peu plus tard, car c’est lui qui a vraiment été ému par mon histoire d’éternité. Je sais désormais que pour différencier Tom de Nathan, c’est facile, l’un d’eux porte un chapeau 😉 Évidemment, il y avait aussi leur cousin Théo (comme le Théo de Théa, je me souviens que ça l’avait touché). Merci à tous les trois, et un grand bravo pour votre passion (et pour la faire partager).

J’ai vu aussi avec grand plaisir Mélisande, elle aussi munie de son caddie ! Hé, Mélisande, tu me l’envoies, la photo de nous deux ?

Et il y a eu tous les autres, la fabuleuse Hind, la belle Alice, l’enthousiaste Agathe, etc, etc… Merci pour vos sourires et vos regards pétillants ! Certes c’était pas encore la cohue devant mon stand, hein, loin de là, comme on peut la voir pour les auteurs-stars, mais j’avoue avoir été très heureusement surprise par tous ceux qui sont venus me voir spécialement (jusque-là on approchait surtout par hasard genre ah tiens elle est sympa cette couverture… ce qui arrive encore bien sûr, surtout avec la magnifique couv de Théa).

Et grand plaisir de retrouver des collègues auteurs, ainsi que des éditeurs(trices) que je commence à aimer beaucoup. Évidemment, Montreuil c’est si grand que certains, on ne fait hélas que les croiser très vite avec promesse de se revoir le lendemain et puis on ne les trouve pas, ou avouons-le, on a oublié de les chercher, et eux aussi. Bon, on sait qu’on se reverra très vite sur un salon ou un autre, inch’allah. Heureusement, avec certains on a la présence d’esprit de prendre rendez-vous, et ça donne un thé très sympathique dans un bistrot glauquissime comme je les aime avec Pascale, et une soirée assez déjantée dans le Marais grâce à la grrrande Rachel et ses amies Pauline et Claire (on s’en souviendra, je crois !).

*****

Et hors salon, y’avait quand même PARIS. Et ses bords de Seine que j’aime tant, et toute cette beauté urbaine exaltante et écrasante tout à la fois, et des gens, des gens partout, même à minuit, même à une heure, même à etc, des gens passionnants à écouter et observer, des gens pauvres, des gens riches, des qui tendent la main, des qui jouent de la musique, des qui tapotent sur leur écran, des qui lisent, des qui pleurent, des qui rient, des qui s’aiment, des qui se disputent (oui, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu autant de gens).

Et en plus, il faisait beau, et même doux au début (un peu plus frais après, mais beau soleil le dimanche). Et donc j’ai eu le courage absolument exceptionnel de patienter 2 heures 30 devant le Grand Palais, ça crée des liens dans la file, pour aller voir Hopper. La petite amie imaginaire de John Irving m’a aussi tenue compagnie (je vous en reparlerai). Je vous assure que je n’ai pas regretté. J’ai a-do-ré. Vraiment superbes, ces grands tableaux qui explosent de lumière.

J’ai spécialement été frappée par Soir Bleu (j’ai immédiatement vu un ami sous le costume du clown, et c’était assez bouleversant).

70 1208

Puis suis allée à Orsay, attente beaucoup moins longue, et après avoir revu les tableaux que j’aime là-bas (hélas des salles étaient en travaux !) j’ai parcouru l’expo Les impressionnistes et la mode, plus amusante qu’intéressante. La mise en scène y est très réussie, et on s’amuse beaucoup à comparer les costumes vrais de ceux qui sont peints.

Mais non, décidément, c’est bien Hopper qui m’a touchée et poursuivie, jusque dans le train (trajets toujours denses lorsque je reviens de ou vais à Paris, c’est un moment de rêves ou de paroles ou de lectures ou de sommeil en apesanteur, en phases de décompression, en phases de fantasmes, en phases d’exaltation ou de tristesses, de peine ou de douceur, de partage ou d’autisme, d’un monde à un autre, toujours…)

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