D’habitude, le 8 mars, je veille à parler d’autre chose que de la journée internationale des droits des femmes, tout simplement parce que je considère que tous les sujets évoqués à cette occasion devraient l’être davantage tous les autres jours de l’année. Personnellement, c’est dans mes romans que mon féminisme s’exprime, si on peut appeler féminisme une attention particulière au réel, id est juste raconter le monde tel qu’il est, sans l’édulcorer ni le stéréotyper. Il est à noter que conséquemment mes romans sont antiracistes, et racontent aussi souvent une quête identitaire et/ou sexuelle jamais simple. Ils racontent juste assez régulièrement la difficulté de vivre ce qui est vécu comme une différence dans une société où le modèle dominant est le mâle blanc hétérosexuel.  Sans tapage parce que j’ai le tort de fuir le tapage, qui peut bien me terrifier. Et que je crains toujours qu’il soit contre-productif. Sans didactisme car je souhaite écrire des romans et non des documentaires. Et sans message particulier si ce n’est dire la vie.

Je déroge cette année à mon habitude à cause d’un sentiment d’urgence et un glissement dans mes convictions : je suis en train de me demander si le tapage n’est pas nécessaire dans un tel cas, fut-ce un seul jour dans l’année, non pas dans mes romans mais dans un tel article.

Parce qu’assez souvent j’entends, même de la bouche de gens que j’apprécie beaucoup, des phrases d’incompréhension totale telles que : “mais quand même,  t’exagères d’être féministe, toi t’as une belle vie et tu n’as absolument aucune raison de te plaindre“. Précision nécessaire  : je ne suis pas féministe « pour moi » (sauf peut-être pour veiller à ne pas me retrouver au Moyen-Age, ou pour tenter d’accéder à un monde meilleur…). Avec un tel raisonnement, étant blanche je ne serais pas antiraciste, étant hétéro je me moquerais éperdument du droit des homosexuels à l’être en toute liberté, étant adulte je donnerais des pieds au cul à tous les enfants que je croiserais, étant brune je mépriserais les blondes… Non, personne ne peut imaginer cela…

Parce que je constate chaque jour que la condition des femmes ne s’améliore pas en France ou ailleurs, voire régresse. Et que hélas 364 jours sur 365 on en parle très peu (avec tout de même un progrès notable, par exemple avec un billet par semaine très intéressant dans Libé). Aussi le 365e jour de cette année, je me sens le devoir de joindre ma voix à toutes et tous les militant(e)s qui luttent toute l’année pour se faire entendre.

J’aurais trop de choses à dire et ne peux pas développer toute ma pensée ici : simplement lisez mes romans si vous voulez la connaître, spécialement ceux publiés aux éditions Talents Hauts, mais pas seulement. Mais surtout, garçons et filles qui me lisez, informez-vous, ouvrez bien grand les oreilles et les yeux, et ne laissez passer aucune injustice, aucune dérive sémantique, et cessez de penser que « ce n’est pas grave ». Car oui c’est grave de craindre de porter une robe l’été dans les transports en commun, grave de réfléchir à la longueur de sa jupe suivant l’heure à laquelle on va rentrer le soir, grave d’éviter de rentrer tard le soir, grave d’être insultée, (grave d’être frappée ou humiliée, bien sûr !), grave de se sentir moins libre qu’un autre, ou moins considérée, grave d’être moins bien notée pour le même travail, et plus tard moins bien payée, grave ce plafond de verre qui empêche d’accéder à certains postes, grave de supporter la majorité des tâches ménagères, grave de laisser croire que l’éducation des enfants est moins le fait des hommes que des femmes, grave de ne pas pouvoir décider du sort de son propre corps, grave le paternalisme ou l’infantilisme, grave de payer plus cher des produits ou des prestations, grave cette pression sur l’apparence, grave de ne vouloir faire du sport que pour maigrir et non juste pour le plaisir ou la forme, grave que la recherche avance si peu dès qu’un mal ne touche que les femmes et pas les hommes, grave de voir dans d’autres pays des femmes souffrir et être opprimées sans qu’un tollé international ne s’y oppose, etc, etc, etc… Et grave de se taire.

Pour conclure, voici juste le regard de Camille Claudel :

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