Hier soir regardé avec les enfants un excellent film : Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau.

 

C’est un film que j’ai reçu et apprécié de plusieurs façons : en tant que professeure des écoles, en tant qu’auteure jeunesse qui s’intéresse donc aux histoires singulières touchant les enfants, et bien sûr en tant qu’être humain intéressé par le choc des cultures et le vivre-ensemble (pour ceux qui se le demanderaient, je ne reçois jamais aucune œuvre en tant que mère, car il me suffit de la recevoir en tant qu’être humain).

C’est une fable, notamment parce que l’on conçoit mal comment dans la réalité cet homme aurait pu se faire réellement embaucher comme instituteur sans que la directrice ne vérifie quoi que ce soit. Et en tant que fable, cela a fonctionné admirablement (en tout cas pour moi), sans cesse sur le fil entre le réel et l’irréel. L’irréel ne fait-il pas partie intégrante du réel ? On touche bien sûr à l’absurde, ainsi qu’à l’inhumanité, présentée dans ce film de deux façons, dans deux pays lointains, deux sortes de violence aux antipodes l’une de l’autre, mais non moins violentes l’une que l’autre.

La force de ce film tient à mon avis dans le retournement et le parallélisme de situations qui évitent le piège didactique. Pour nous vivant en France, le sentiment d’étrangeté provient de tout l’environnement québécois, aux relations entre retenue et chaleur, et surtout à l’accent parfois très difficile à comprendre ! Cela renforce une très grande proximité avec Bachir Lazhar l’algérien, à qui l’on s’identifie très fort.

En tant qu’enseignante, j’ai eu à réfléchir à nouveau sur ces thèmes récurrents qui font tous les projets les plus colorés de nos classes : les cultures du monde. La classe de l’enseignante d’à côté ne ressemble pas à une chambre d’hôpital, contrairement à celle de Monsieur Lazhar, elle est remplie de formes, de couleurs, et de vie, mais sur quel mensonge et sur quels stéréotypes reposent tous ces clichés ? (le repas chez l’enseignante en question éclaire ce problème, lorsqu’elle présente sa vision utopique et déconnectée de la réalité de l’exil). Comment contourner cet écueil sans retomber dans la maladresse d’une éducation décalée et obsolète telle que la pratique Bachir Lazhar avec ses seuls souvenirs d’élève ? Problème passionnant, de l’un de ceux qui m’ont amenée à faire une pause dans mon activité d’enseignante, afin de réfléchir à ses faussetés presque obligées (on retombe dans le fameux « ne pas décourager la jeunesse » de la littérature jeunesse, comment y parvenir sans mièvrerie ni mensonges, et comment toucher la vraie vie ?).

Et, ouf, il ne s’agit pas de la sempiternelle histoire d’un nouveau prof dont les méthodes révolutionnent et heurtent des traditions installées et réveillent des élèves endormis (syndrome lancinant du Cercle des poètes disparus). Non, dans ce film Bachir Lazhar se plante lamentablement en pédagogie et transmission didactique, normal puisqu’il n’est pas vraiment prof (ça s’apprend, faut-il le rappeler), il est là comme pour expier des souvenirs douloureux, ceux de sa femme qui elle était prof, ceux de ces enfants qui ne grandiront pas, à qui il ne peut plus rien apporter… Dans ce film le nouveau prof n’apporte que très maladroitement son humanité, et fait se rencontrer en silence son histoire avec celle de la classe. Ce qui se passe entre cet humain et ces petits humains, c’est surtout la douleur, la solitude et l’impossibilité de les dire.

Un mot sur le décor : presque toute l’action se déroule dans le bâtiment de l’école, aux couloirs froids, aux lignes dures et croisées, qui m’ont beaucoup fait penser au choix des décors de Gus Van Sant. Il est question à un moment de la verdure du Québec, dont on ne voit rien dans le film. Aucune touche de vert, mais beaucoup de blanc et de gris comme le dit la petite fille. Conversation anodine d’une importance capitale, comme toutes celles du film. Car c’est peut-être surtout un film sur la force de la parole et des mots.

En tant qu’écrivain, j’ai été très attentive à l’avancée de l’histoire, qui suit le rythme des saisons. La neige fond comme la douleur, au fil d’anecdotes, de conflits, séductions, de danses et de révélations.

Les très jeunes acteurs de ce film sont fabuleux, j’ai trouvé, particulièrement ces deux-là :

Il s’agit d’un drame comme je les aime, sans cesse parcouru de lumières et de magnifiques fulgurances humaines.

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2 Commentaires
  • florence
    2 mars 2013

    Oui je te le conseille !

  • Pascale M.
    2 mars 2013

    Je n’étais pas allée le voir au ciné, la bande-annonce m’ayant fair craindre une cucuterie. Maintenant , je regrette. Je le prendrai au vidéo-club !