Eh bien, j’ai adoré ! (avant d’y réfléchir davantage – y’a des films comme ça auxquels il vaut mieux ne pas réfléchir, après).
Certes, certes, j’ai un peu tiqué sur la critique facile de l’art contemporain, et sur la vision des femmes. Il est courant d’utiliser le ressort de rapports homme-femme calamiteux dans les films comiques, mais c’est un peu lassant, surtout dans un conte de fées dont le but est de dépasser les préjugés – mais plus j’y réfléchis, plus je me demande si c’était bien le but (j’ai pas trop vu l’âme des putes dans tout ça, qui m’ont paru les seules vraies intouchables de tout le film – je m’attendais à voir DSK hilare débouler à tout moment, et la salle en aurait ri avec lui – ; et si la splendide bimbo du film résiste à Driss, c’est évidemment parce que, tadada – attention spoiler – , elle est lesbienne ! Ca ne pouvait pas être autre chose, isn’t it ? Le seul personnage féminin hyper sympathique ne peut l’être que parce qu’elle n’a pas d’attrait physique formidable et surtout parce qu’elle a des problèmes gastriques – la femme n’est un Homme comme les autres que lorsque vraiment l’idée de la baiser est impossible à concevoir. Et enfin qu’un intouchable s’inquiète de savoir si une femme est ou non un thon, ça ne choque personne non plus, ben non ça prouve bien qu’il est un macho comme les autres, ouf. Lire aussi cela). Bon, du démago à plein tube pour rallier les foules, encore de la brosse à reluire pour la domination masculine en faisant croire aux filles qu’il faut en rire, mais finalement à plus petite dose que dans la plupart des films dits grand public. Saluons tout de même cet effort.
Passons.
Pour le reste, j’ai passé avec ma fille un excellent moment (fille qui a la chance de bénéficier à la maison d’une sensibilisation à la musique dite classique, et à l’art contemporain – bien que je sois loin de venir du même milieu que le tétraplégique du film, et c’est malhonnête de faire croire que la culture est distribuée de façon aussi caricaturale, enfin bref – , mais à qui j’ai dû expliquer ensuite : « mais tu sais, les femmes dans la vie peuvent être considérées autrement et avoir un autre rôle, etc… »), et on a beaucoup ri.
Le vrai grand bonheur, c’est surtout de voir soudain s’ouvrir les sourires et pétiller les regards de ces deux acteurs si touchants. Une grande partie du film repose sur eux, qui déploient un charme extraordinaire. De la part de Cluzet qui n’a le secours d’aucun autre geste que sa tête, c’est une performance (et puis qu’est-ce qu’ils sont beaux, ah la la ! Ben quoi, j’ai le droit de me laisser prendre à quelques filets marketing, tout de même…)
Et ce film mérite son succès, parce qu’il est bien fait, avec une dynamique qui ne se relâche jamais, tendre, il aime ses personnages, il est juste envers eux, et ce n’est pas si courant. Contrairement à certaines critiques, je trouve qu’il montre quand même, par moments furtifs, une certaine lutte de classe, même si c’est bourré de stéréotypes. J’ai par exemple beaucoup aimé la scène du début dans la salle de bains de la famille de Driss (hélas après patatras, clichés’n co). Hélas aussi, par la suite les incompréhensions sont réduites à des quiproquos, et la solidarité est surtout celle du pauvre envers le riche… qui ne lâche même pas un oeuf Kinder… Heu, Fabergé ! Mais le propos n’était pas vraiment là (je défends mon truc, hein, je vous rappelle que j’ai vraiment bien aimé…), le but était de faire rire avec le choc de deux univers outranciers, avec la séduction de deux personnages particuliers, et c’est parfaitement réussi, et souvent avec finesse (la scène de la moustache est à la fois violente et hilarante). Et si cela permet, en même temps, de changer le regard des gens sur ces intouchables-là, alors… que demande le peuple ? Eh bien, cela-même (un ami me fait remarquer très justement que si cela a eu du succès, c’est certainement parce que le handicap du gars n’est pas du tout « choquant », genre une jambe en moins, par exemple – et puis du coup la vanne « pas de bras, pas de chocolat » tombe un peu à plat : il a quand même des bras, même inertes – ah bon je chipote ? – et enfin le stéréotype éculé du sympathique black des cités avec frérot drogué et mère-courage-femme de ménage rassure tout le monde depuis l’ère Eddy Murphy) .
Est-ce que j’ai bien écrit, au début de cet article : j’ai adoré ? C’est que je réfléchis tout en écrivant (je vous l’ai dit, parfois vaut mieux pas réfléchir, enfin tout dépend de ce qu’on veut devenir). Et enfin, tout finit bien. Qu’est-ce qui rend heureux ? Etre en couple, et/ou bien chef d’entreprise + enfants à la clé. Happy end, dans la vraie vie en plus. L’un a certainement réussi à s’offrir la Maserati de ses rêves (enfin sorti de son bourbier où il a laissé mère, frérots, etc, qu’ont qu’à se démerder), et l’autre à connaître à nouveau l’amour, qui était bien la seule et unique chose qui lui manquait dans la vie (vu qu’il a déjà la Maserati).
Mais je continue à dire que j’ai aimé ! Je crois qu’il ne faut pas bouder son plaisir avec ce film bien fait, avec de vrais beaux moments d’émotion. Mais je crois qu’il faut aussi être très lucide sur les mauvaises raisons démagogiques qui ont fait le véritable succès du film. Etre lucide aussi sur cela : s’il a été encensé aussi par certains hommes politiques, et par la majorité des médias sans souligner toutes ces mauvaises raisons, c’est pour mieux nous bercer. Dormez bien.
C’est en tout cas beaucoup plus réussi que Les femmes du sixième étage auquel on le compare parfois (les films qui donnent bonne conscience sans bousculer), et qui m’avait semblé d’un ridicule achevé (plus qu’improbable love story entre un Luchini passablement décrépit et une jeune femme superbe), et assez mal foutu.
Et puis j’aime bien, aussi, les réflexions partagées par mon amie Pascale sur son blog, ici.
Ca ne vaut cependant vraiment, vraiment pas Vestiaires, bien plus drôle, à la fois tendre et féroce, et proche de la réalité des handicapé(e)s ! Pour rire INTELLIGENT, regardez la série Vestiaires, sur France 2…
PS : promis je vais désormais essayer de mettre la pédale douce sur les parenthèses (et d’aller plus vite droit au but). (Mince, encore raté.)
PS2 : idem pour les phrases tarabiscotées, tapez-moi quand j’en fais, mes dir de coll vous en seront reconnaissants devant l’Eternel.
PS3 : oui aujourd’hui j’ai écrit des gros mots. Pardon.
