C’est un récit dont la forme épouse le fond comme rarement : éclaté comme une vitre, éparpillé dans l’espace et le temps, ne cessant de zoomer de l’intime au collectif et inversement. En cela il est parfois déroutant, au rythme inégal, à la focale omnisciente par moments dans un point de vue individuel, aux intentions qui se dissimulent ou donnent des fausses pistes. Est-ce un récit politique, d’amitié adolescente, de premiers émois, d’actualité, d’histoire, de quête identitaire, initiatique ? On se pose la question incessamment, mais le grand-père de Daniel Mayer nous souffle d’avoir confiance, il est comme le foyer du lecteur dans ce récit fragmenté, on y revient pour se poser (et manger une omelette). Tout s’explique de toute façon peu à peu en se dévoilant et je défie quiconque de lâcher cette histoire après l’épisode du bus, où on est emporté·e dans un tourbillon narratif magistral, dans une histoire avec et sans majuscule, qui n’oublie personne. Devenir adulte, et quel·le adulte devenir, c’est une histoire de choix, mais encore davantage une histoire d’Histoire, et de naissance ici ou là, hier ou avant-hier. Rachel Corenblit nous raconte cela avec grâce, délicatesse et en même temps sans concession, ce qui est une sorte de miracle.
Merci donc, madame. Et bravo.

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